Diffusé en premier lieu par Public Sénat en juillet 2021, « Au nom de loi je vous libère » est un documentaire réalisé par Nathalie Plicot, coécrit avec Christian Jacquot, avec Bruno Solo dans le rôle du narrateur.
Aujourd’hui retraité, Christian Jacquot a créé et animé pendant 40 ans à Besançon une structure d’insertion pour personnes sortant de prison après avoir effectué une longue peine.
Le générique du film montre des cadenas accrochés au parapet d’un pont sur le Doubs par des amoureux soucieux de déclarer leur amour pour la vie. Ouvert, l’un des cadenas est filmé au ralenti dans sa chute : symbole d’enfermement et d’ouverture, image d’une plongée dans l’incertitude.
Censée être le pendant du fameux « au nom de la loi je vous arrête », nul ne prononce jamais la phrase « au nom de la loi je vous libère ». Le film donne la parole à des hommes qui ont été libérés après des années et même des dizaines d’années d’emprisonnement. Retrouver la liberté, même partielle, même limitée par un faisceau de contraintes, c’est un véritable saut dans le vide.
Ils se sont adaptés à la prison. Ils ont appris à établir des rapports de force, à frapper avant d’être frappés ; il leur faut apprendre à faire confiance. Le monde extérieur leur est étranger : un permissionnaire prend une amende parce qu’il ignorait qu’il fallait composter le billet de train. Parfois, on leur impose de vivre loin de leurs familles et de leurs proches.
Ils se sont habitués à vivre dans un espace minuscule, avec un champ de vision limité par des murs. Dans l’une des premières scènes du film, deux anciens détenus reconstituent l’espace de leur cellule en croisant des baguettes perpendiculairement à deux murs à angle droit : ici il y avait le lavabo, là le lit, là une table, là les WC.
Depuis quarante ans, l’association franc-comtoise Gare BTT propose à des personnes sorties de détention un apprivoisement à la vie libre. Ses bénévoles et salariés ne s’intéressent pas à ce que ces hommes, dont certains réputés irrécupérables, ont commis. Ils regardent vers l’avenir, vers les bonnes personnes qu’ils peuvent devenir. L’association dispose de 12 appartements, gère 3 entreprises d’insertion et travaille avec des partenaires.
L’assemblage des pièces d’un puzzle, logement, santé, travail, accès aux droits, ne suffit pas. C’est un travail de reconstruction personnelle que l’association engage, avec des moments de découragement et même de rechute. L’expérience montre qu’il faut y aller prudemment, pas à pas. Exiger d’un ancien détenu qu’il prenne un travail le lundi suivant sa libération peut lui faire ressentir le travail comme un châtiment supplémentaire, et non comme une opportunité ; cela peut tout simplement est impossible pour quelqu’un qui a été frustré de toute initiative pendant des années. Il vaut mieux commencer patiemment par lui faire recouvrer ses droits à la couverture santé et aux minimums sociaux.
Dans la dernière image du film, un ancien détenu serre un arbre dans ses bras : donne-moi ta force ! « Au nom de la loi je vous libère » est un film critique : il déplore que dans la France d’aujourd’hui, on consacre beaucoup plus d’énergie à punir et à contrôler qu’à accompagner et soutenir. Mais il est optimiste : le chemin ouvert par l’association Gare est praticable, ses résultats sont probants. L’expérience acquise est transposable partout où des personnes détenues sortent de captivité.