À l’occasion d’un périple à bicyclette de Teruel à Andujar, je publie des papiers rédigés lorsque je vivais à Madrid. Cet article sur Bilbao a été rédigé le 7 juin 2003.
Bilbao me procure la même émotion que Pittsburgh. Cité fluviale empoisonnée par la pollution et défigurée par l’industrie lourde, elle lutte pour être belle. Le fer de lance de ce combat est la culture. Le Musée Guggenheim a installé le futur et l’harmonie sur les rives du Nervión, comme un cantique de métal pour exorciser les démons des anciennes fonderies.
Le Musée des Beaux-Arts occupe de nouvelles surfaces. Une exposition célèbre le succès de Ria 2000, l’opération d’embellissement qui passe par la récupération des friches industrielles et la mise en communication de quartiers autrefois enclavés par des docks et des voies ferrées. Un Musée de la Mer est en cours de réalisation ; une ancienne grue portuaire restaurée et peinte en rouge lui servira d’enseigne. Les rives du Nervión ont été rendues aux habitants, et transformées en promenade, piste cyclable, voie de tramway parcourue par des rames futuristes.
Nous découvrons dimanche les magnifiques paysages de la campagne au nord de Bilbao. Nous visitons le village de pêcheurs de Bermeo et faisons un parcours de découverte écologique dans la réserve naturelle de Urdaibai, à l’embouchure du Rio Gernika, étape des oiseaux migrateurs dans leur périple entre l’Europe du Nord et l’Afrique équatoriale. La brise marine tempère l’effet du soleil à son zénith. Nous découvrons des larves de libellule et lisons les traces d’un renard dans le sable.
Le car glisse entre les collines. Les « caserios » cossus à flanc de pâturages, le train à voie étroite serpentant dans les vallées, les forêts de pins et d’eucalyptus sur les cimes m’entraînent mentalement en Suisse, aux antipodes de la Castille aride et de l’Andalousie africaine. Nous déjeunons à Gernika, ville chargée du souvenir du bombardement par les aviateurs de la légion Condor le 26 avril 1937 envoyés par Hitler pour soutenir Franco, immortalisée par le tableau « Guernica » de Picasso.
Au Musée des Beaux Arts de Bilbao, j’admire une petite sculpture d’Eduardo Chillida intitulée « la casa del poeta », la maison du poète. Les volumes métalliques s’entrecroisent, enveloppent des espaces d’intimité et projettent des ouvertures. La casa del poeta pourrait se nommer Bilbao.