A l’ombre des filles

Dans « À l’ombre des filles », le réalisateur Étienne Comar « montre à quel point le chant peut être une libération. Et quoi de mieux qu’une prison, affirme-t-il, pour exprimer la métaphore de cette libération ? »

Luc (Alex Lutz) est chanteur lyrique. Sa carrière a été brillante, sa vie trépidante d’un récital à l’autre. Il est maintenant à l’arrêt, ravagé par le doute et le remords. Il accepte d’animer un atelier de chant dans un centre de détention pour des femmes condamnées à de lourdes peines.

Il a été autorisé à amener avec lui en détention des instruments de musique. Son diapason est refusé, car le surveillant de garde ne connait pas son usage et présume qu’il pourrait servir d’arme.

Un groupe d’une demi-douzaine de détenues volontaires est constitué. Elles sont d’âges différents, toutes ne parlent pas le français, l’une est aussi extravertie que l’autre abrutie par les médicaments. Certaines ne se supportent pas, et elles en viennent facilement aux mains.

L’enfermement les étouffe. La limitation des promenades est perçue comme la brimade de plus qui fait déborder le vase des privations. Luc arrive dans un chaudron. Les filles ne se privent pas de le tutoyer, de l’interroger sur les motivations de son travail auprès d’elles, de mettre en cause ses méthodes et le choix de ses musiques.

Peu à peu pourtant, une méthode de travail se met en place : exercices de respiration, position du corps, rythmes. On ne peut pas dire qu’un groupe se forme : les participantes restent à distance l’une de l’autre, n’interagissent guère. Du moins leur travail collectif est suffisamment élaboré pour que la direction de la prison autorise une représentation dans la salle de sport.

Le chant peut-il être une libération ? Pour Jess (Hafsa Herzi) probablement, qui cesse de prendre les neuroleptiques qu’on lui prescrit. Pour Carole (Veerle Baetens) aussi, pour qui chanter ouvre des possibles, et qui peut renouer avec sa fille.  Probablement pas pour Catherine (Agnès Jaoui), habitée par une souffrance indicible qu’elle extériorise par une violence à fleur de peau.

Les acteurs de ce film sont formidables, à commencer par Alex Lutz, enfermé dans la prison de ses remords de manière peut-être aussi solide que les femmes qu’il initie au chant. Les détenues sont « à l’ombre ». Dans leur ombre, Luc commence sa propre reconstruction.

J’ai aimé la description du milieu carcéral dans sa profonde violence, dans les solitudes désolantes qu’il juxtapose. Le concert final devrait être un moment de grâce. Il se révèlera bien différent de l’apothéose attendue.

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