Un mur du cimetière de la Chartreuse à Bordeaux rend hommage aux citoyens de Bejaia (Bougie) morts pour la France.
Un panneau explique la présence de ce monument. « Les plaques de ce Monument aux Morts ont été rapatriées de la Ville de Bougie (Algérie). Ce Mémorial a été érigé en 1968, avec le concours de la ville de Bordeaux qui, en son temps, a parrainé la Ville de Bougie. Les noms de tous ceux ici inscrits nous interpellent. Nous leur rendons hommage. »
Ce sont les noms de 246 hommes tombés au combat pendant la guerre de 1914-1918 et 63 pendant la guerre de 1939-1945 qui sont inscrits sur ce monument. Ils appartiennent indistinctement à toutes les populations vivant à Bejaia. Un extrait de la liste des morts de la Grande Guerre, à la lettre H, en témoigne : David Hadjadj, Mardochée Hadjadj, Fructuoso Herrero, Léon Hilst, Gustave Huguet, Joseph Hummel, Mohamed Haddad, Mohamed Haiden, Mohand Hammouche, Arezki Hammache, Akli Hamitouche, Mohamed Atem…
Pourquoi les noms de tous ceux ici inscrits nous interpellent-ils ? Probablement parce que le Monument aux Morts de Bougie plaçait tous les combattants, « européens » ou « indigènes » sur un strict pied d’égalité et peut-être aussi, pensant à l’esprit des tranchées, dans une situation de fraternité.
Ils étaient égaux dans la mort, mais pas dans la vie. Certains étaient citoyens, d’autres non. Les chances d’accéder à l’éducation, à l’emploi, à la fortune étaient disparates. L’Algérie était réputée « française », mais ne reconnaissait pas à ses habitants le même statut et les mêmes droits.
Dans « l’Art de perdre », Alice Zeniter raconte comment la pension versée par le gouvernement français aux anciens combattants de la seconde guerre mondiale devint une ligne de fracture. Le FLN leur enjoignit de ne pas accepter cet argent. Pour le pas le perdre, beaucoup s’engagèrent comme harkis aux côtés de la puissance coloniale.