Répression ou réduction des risques ?

L’organisation « Incarceration Nations Network » a réalisé un film documentaire intitulé « smart on drugs, not war on drugs » : affronter le problème de la drogue de manière intelligente et non guerrière.

The Incarceration Nations Network (INN) est un réseau mondial et un think-tank qui soutient, promeut et diffuse les efforts innovants de réforme carcérale dans le monde. Dans ce documentaire, il montre que l’approche répressive des drogues n’a conduit nulle part à une diminution de leur usage et de leur trafic.

INN se prononce au contraire en faveur d’une approche fondée sur la réduction des risques. Plutôt que de condamner les consommateurs de substances toxiques à la prison, il faudrait les orienter vers des structures de soin. On éviterait ainsi la désocialisation que provoque la détention.

Au Portugal, une loi de 2000 a dépénalisé l’usage de drogues et leur détention jusqu’à 10 jours de consommation personnelle. Selon un rapport de L’Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives (OFDT), au Portugal « le nombre d’incarcérations pour Infraction à la Législation sur les Stupéfiants (ILS) n’a cessé de diminuer depuis la réforme : 3  829 en 2000, 2 294 en 2015, puis 1 862 en 2019. En 2000, les personnes incarcérées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants représentaient 43 % de la population carcérale, une proportion très supérieure à la médiane européenne. Cette proportion a été divisée par deux en 20 ans, atteignant 17,7 % en 2020 »

Que serait l’impact en France d’une dépénalisation de la détention et de l’usage de stupéfiants, sans aller jusqu’à la légalisation de leur production et de leur commercialisation ? Les statistiques disponibles du ministère de la Justice concernent l’année 2020, marquée par une activité réduite des juridictions en raison de l’épidémie de Covid et du confinement.

En 2020, 34 300 condamnations ont été prononcées pour usage de stupéfiants. Une peine de prison a été prononcée dans 9% des cas, avec une part ferme dans 46% des cas. On en déduit que 1 420 personnes ont été condamnées à la prison (34 300×0,09×0,46). Le séjour moyen d’une personne condamnée pour usage de stupéfiants a été de 3,3 mois. En moyenne, ce sont donc 390 usagers de drogues (1420×3,3/12) qui sont actuellement incarcérés et qui ne le seraient pas si leur pratique était dépénalisée.

Ce nombre est donc modeste au regard de la population des maisons d’arrêt, 41 000 personnes au 1er janvier 2020. Par contraste, le nombre de prisonniers pour trafic était en 2020 de l’ordre de 27 000 si l’on applique un raisonnement semblable à celui qui précède (51 600 condamnations, dont 50% avec une partie ferme et une durée moyenne de l’incarcération de 12,6 mois).

Il faudrait cependant ajouter à ce modeste effectif de 390 détentions évitées une partie de celles causées par des vols pour se procurer l’argent de la drogue, celles qui découlent d’accidents de la route sous l’emprise de la drogue et peut-être un effet indirect sur l’offre de drogues, en raison de la réduction des risques pris par les consommateurs.

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