« Dans les geôles de Sibérie » (Stock, 2020) est le récit par Yoann Barbereau de son épopée judiciaire à Irkoutsk (Sibérie orientale) et de sa double évasion, entre 2015 et 2017.
L’auteur a été nommé directeur de l’Alliance française à Irkoutsk en 2011, alors âgé de 33 ans. Il était passionné par la Russie, en particulier par la Sibérie et le Lac Baïkal. Il parle de son ami Alexandre, « un homme de la taïga, avec inscrit en lui le besoin des arbres, du gel, de l’immensité. On l’entendait souvent dire : la Sibérie, c’est le grand large sur terre ».
Il développe avec succès son activité, bien connecté dans les milieux influents d’Irkoutsk. Probablement trop, car le 11 février 2015, il est arrêté sous l’accusation de pédophilie. Il aura marché sur les pieds de quelque baron local. Plus tard, son cas devint un contentieux entre la Russie et la France, dans le contexte des sanctions prises à la suite de l’annexion de la Crimée.
Le récit de ces deux années est un véritable roman d’aventures : 71 jours d’emprisonnement, 3 semaines d’hôpital psychiatrique, une année de détention à domicile sous bracelet électronique, une première cavale d’Irkoutsk à l’ambassade de France à Moscou en utilisant principalement le covoiturage, un an de « prison dorée » dans les locaux de l’ambassade, et pour finir une dernière cavale jusqu’à la frontière de l’Estonie avec, le lendemain, une interview dans l’émission « Envoyé spécial ».
Yoann Barbereau raconte dans son livre sa détention. Trois surveillantes le torturent le soir de la Saint Valentin. « Tout se passe dans les rires, la musique, la rage et les chants. Les cris sont étouffés. C’est long. » La vie en cellule est dirigée par un caïd, Gricha, qui prévient Vania (équivalent russe de Yohann), le Frantsous : « je dirige les opérations dans cette cellule. J’y suis depuis cinq ans. (…) La vie est supportable ici, mais il faut m’écouter et respecter les règles. »
Il décrit ses codétenus. Voici Adam. « Pour se présenter, il a une phrase rituelle : « on m’appelle Adam le colérique ». Les gardiens voient en lui un chien fou qui mérite le bâton. Je vois un homme droit et une vitalité farouche. »
Yoann Barbereau est envoyé en hôpital psychiatrique pour trois semaines d’expertise. « On riait sur la nef des fous. On pleurait (…) Ce séjour fut un grand éclat de rire fêlé au milieu des orphelins et des misérables. »
Au cœur de l’affaire judiciaire de Barbereau, se trouve un « kompromat », un dossier compromettant. Du temps de l’Union Soviétique, les opposants étaient internés en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, on fabrique de toute pièce un dossier, le plus infâmant possible. L’auteur parle d’une mécanique glaçante. « Il importait peu que l’histoire n’eût aucun sens, les avocats me dessillèrent. Seules comptaient les apparences : conformité de la paperasse, respect du code de procédure pénale, expertises légales. » Andreï Vyschinski, procureur de Staline disait : « donnez-moi l’homme, je trouverai l’article de loi. »
Sous le pseudonyme de Landov, Barbereau s’enfuit de son arrestation domiciliaire à Irkoutsk, puis de l’Ambassade de France. Dans les deux cas, il met en œuvre un savoir-faire d’agent secret : préparation minutieuse de l’itinéraire, méfiance des personnels de sécurité endormie par une fausse amitié, téléphones portables cachés sous un siège d’autobus partant dans la mauvaise direction…
Un personnage accompagne l’auteur tout au long de son odyssée : son chat Béhémoth, tout droit sorti du Maître et Marguerite, de Boulgakov.
Le chat Beremouth n‘est-il pas mort à la page 107 du roman ? Comment se fait-il qu‘on le retrouve vivant quelques pages plus loin ? Et pourquoi l’auteur insiste-t-il si lourdement sur ses relations avec les femmes ? Serait-ce pour réfuter les accusations de pédophilie ? Il aurait été plus crédible sans ces fioritures inutiles !