Mussolini, le premier fasciste

À l’occasion du centième anniversaire de la marche des Chemises noires sur Rome qui permit à Benito Mussolini d’accéder au pouvoir et d’établir la dictature fasciste, France 5 a diffusé un documentaire de Serge de Sampigny intitulé « Mussolini, le premier fasciste ».

Le documentaire comporte deux parties de 55 minutes chacune : « le verbe et la matraque » couvre la période entre la prise du pouvoir, en octobre 1922 et le milieu des années 1930 ; la seconde partie, « la chute », s’achève par l’exécution du dictateur et de sa maitresse en avril 1945.

Mussolini croyait en la puissance de l’image. Chacun de ses déplacements était filmé. On le voit dans toutes sortes d’uniformes, coiffé de toutes sortes de couvre-chefs. Il est filmé aux commandes de son bombardier. On l’admire torse-nu, participant symboliquement à la récolte aux côtés des paysans installés dans les marais pontins asséchés, ceux qui sont au cœur du roman « Canal Mussolini » d’Antonio Penacchi.

 

 

Certaines postures du dictateur, torse bombé, mains sur hanches, yeux révulsés, évoquent un bouffon ou un fou. Mais l’homme était doté d’une grande intelligence politique, sachant profiter des événements pour faire avancer son projet et d’une volonté de fer, éliminant ses adversaires sans scrupule.

Ce que montre le film de Serge de Sampigny, c’est la radicalité du projet fasciste. Il s’agissait ni plus ni moins de façonner un homme italien nouveau, un guerrier dominateur comme les légionnaires de l’empire romain. Il était supposé naître du creuset de batailles contre des ennemis : les communistes et les socialistes en 1922, le Négus éthiopien en 1935, les Juifs en 1938 comme les Finzi Contini imaginés par Giorgio Bassani. Et finalement, les ennemis de l’Allemagne nazie, sur laquelle Mussolini s’était totalement aligné.

Mussolini ne supportait pas qu’on lui apporte la contradiction. Nul n’eut jamais le courage de lui dire que son armée n’était pas en état d’envahir la Grèce en octobre 1940. Lorsque son gendre, le comte Ciano, le fit destituer pour rompre l’alliance avec Hitler, il le fit fusiller dans le dos, comme un traître. Cette exécution est un moment fort du film.

Mussolini était devenu une marionnette d’Hitler. Le documentaire le montre, à la tête de la république fantoche de Salo, essayant de sauver les apparences mais déjà mort dans son âme.

 

Le centenaire de la marche sur Rome coïncide avec l’arrivée au pouvoir de Georgia Meloni, dont l’itinéraire politique est enraciné dans le fascisme. Les différences entre l’extrême droite d’aujourd’hui et celle d’il y a cent ans sautent aux yeux. On ne voit plus aujourd’hui de foules immenses fanatisées, massées sous un balcon d’où parle le Chef. Notre époque est caractérisée par un individualisme forcené, chacun communiquant silencieusement et virtuellement avec des gens qui lui ressemblent. Des phénomènes éruptifs comme les gilets-jaunes en France sont allergiques à l’organisation et à la hiérarchie.

Le contexte est différent aussi. En 1922, beaucoup d’Italiens mouraient de faim. Qui sait comment résisteraient nos démocraties si la misère de masse revenait en force ?  Pour le moment, l’extrême droite européenne avance masquée. Elle percole, elle s’insinue. Lorsqu’elle est au pouvoir, elle s’attaque au pouvoir judiciaire, elle limite la liberté des médias. En situation de crise majeure, pourrait-elle instituer une dictature, comme Mussolini réussit à le faire il y a cent ans ?

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