« La Roulante 2 », journal des détenus publié par l’association La Visitation 2, inclut dans son numéro de juillet-août 2022 un article signé par Jean-Charles, détenu à Riom : « La maïeutique du temps ».
Voici le début de ce beau poème en prose.
« Le Temps, il peut se versifier, s’appréhender en plusieurs modes.
De sciences dures, en sciences humaines.
Anthropologues et archéologues en font datation.
Poètes et troubadours y vont de leur élan.
Temps des champs, temps des villes, temps de la terre, temps du ciel, même les cerises on le leur, pourquoi pas les amours ?
Météorologues et métronomes en étalent la palette.
Ailleurs, les Écrits annoncent : « en ce temps-là »,
Ou encore : « Au commencement »
Voire des temps sans commencement.
Que dire des temps contraints, qui seraient bonifiés, récupérables à la sortie ?
Rêve, mon pierrot, rêve.
C’est comment sur la lune ?
Ce n’est pas chose facile que de convoquer le temps au tribunal des pass-âges et des ères (…) »
La prison déforme le temps : « que dire des temps contraints, qui seraient bonifiés à la sortie ? »
La première caractéristique du temps carcéral est qu’il est subi. Le détenu est affecté à un tour de promenade, convoqué à un rendez-vous médical, dans l’attente de la fin de l’instruction, assigné au tribunal. On ouvre et ferme pour lui la porte de sa cellule.
Le temps carcéral est mou. Il est fait d’attentes interminables et de moments d’urgence et de précipitation.
Le temps carcéral est mesuré. La peine est exprimée en mois ou en années, les jours sont cochés sur un almanach de fortune au mur de la cellule. Il est parfois si long qu’il se vide de substance, qu’il se sédimente dans le vieillissement.