« Temps courbe à Krems » (tempo curvo a Krems) est un recueil de cinq nouvelles de l’écrivain italien Claudio Magris publié en 2020 et traduit en français en 2022 par Jean et Marie-Noëlle Pastureau.
La troisième de ces nouvelles donne son nom à l’ensemble du recueil. Dans la petite ville de Krems au bord du Danube, en Autriche, un conférencier est interpellé par une dame qui lui assure que sa cousine Nori lui a parlé de lui en termes émus, se rappelant de leur amitié à l’école, des décennies auparavant.
Or, pour autant qu’il s’en souvienne, il n’a même jamais parlé à Nori. « Il a toujours été et il sera toujours impensable de combler la distance entre moi et Nori, distance qu’il y a entre un quelconque troufion du régiment au garde-à-vous et le drapeau qui se lève dans le ciel et le vent ».
Quelques semaines plus tard, par coïncidence, le conférencier apprend que Nori séjourne dans un hôtel à Rome. Il ose l’appeler. Le ton de la jeune femme devenue âgée est si chaleureux qu’il semble issu d’une histoire passionnée. Comme dans la théorie de la relativité, l’espace-temps semble courbe. Qu’est-ce que le présent, qu’est-ce que le passé ? Où est la source, où est l’embouchure ?
Claudio Magris est natif de Trieste, qui fut détachée de l’Autriche et attachée à l’Italie en 1918. « Les temps triestins ne se succèdent, mais ils s’alignent l’un à côté de l’autre, comme les restes d’un naufrage que la mer laisse sur la plage ».
Les protagonistes des cinq nouvelles du recueil « Temps courbe à Krems » sont à l’automne de leur vie et se trouvent à un moment où la notion de temps semble s’effacer, sans début ni fin. Un riche industriel trouve à s’employer anonymement comme concierge dans l’une de ses entreprises. Un maître de musique rencontre un de ses anciens élèves devenu prodige. Un vieil écrivain reçoit un prix de littérature et se sent étranger à l’événement. Un survivant de la grande guerre assiste au tournage d’un film basé sur ses mémoires, mais ne reconnaît pas son passé.
Le livre de Magris est plein d’humour, et animé par un questionnement inquiet sur la nature du temps : « temps futurs et passés, un seul point, un seul temps… Un infini présent ? Nous jouons peut-être dans deux spectacles, l’un linéaire et un circulaire (…) »