Les éditions « La boîte à bulles » ont réédité cette année « En chienneté, tentative d’évasion artistique en milieu carcéral », bande dessinée de Bast, initialement publiée en 2013.
En 2005, Bast avait animé un atelier BD au quartier mineurs du centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan, qui héberge une vingtaine de jeunes de 13 à 18 ans.
Le livre s’ouvre sur un dialogue entre le dessinateur et Ilam, un jeune incarcéré :
- J’en ai marre, ça me gave, j’veux rentrer chez oim, on est en chienneté ici.
- En chienneté ?
- En chienneté, en chien, quoi. On est traité comme des chiens ici
- Oui, oui, je comprends. Ça ne doit pas être simple d’être privé de liberté.
- Mais non, c’est pas ça ! C’est l’autre bâtard, là ! Il m’a configusé ma play-station ce matin
Dans le hall d’entrée de la prison, Bast découvre les différentes facettes du monde carcéral. Le monde des réunions, décisions, règlementations… Le monde de l’action, répression, sanction… Le monde de l’observation, convention, réflexion… Le monde de la désillusion, désolation, déception…
Le dessin ne fait pas partie de l’univers des jeunes détenus. Ils le rejettent même souvent comme une scorie d’un parcours scolaire qu’ils abhorrent. Pourtant, remarque Bast, beaucoup sont tatoués. Un jeune lui montre une tête de mort tatouée sur son bras : « j’ai fait ça quand j’avais 11 ans… avec un compas et de l’encre de Bic.
Bast convainc son équipe de jeunes de participer au concours « Bulles en fureur » organisé par la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Ils imaginent un personnage, Super Détenu, dont chaque tentative d’évasion échoue lamentablement. L’équipe ne gagne pas le concours. D’ailleurs, lorsque les résultats sont proclamés, tous ses membres ont quitté le quartier mineurs.
« En chienneté » est préfacé par Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Elle invite le lecteur à « se laisser porter par ce langage inventé par (ces jeunes), si déroutant pour qui ne le connaît pas, mais si incroyablement créatif, et dont l’expression « en chienneté » constitue un des fleurons. »
Il est postfacé par Dani Mouesca, qui a lui-même passé dix-sept ans en détention. « Un enfant se pense immortel. N’a pas conscience qu’un jour viendra où l’horloge de sa vie s’arrêtera. Alors une semaine, un mois, une année derrière les barreaux… quelle importance ? La prison dans de telles conditions d’inconscience tient plus de l’absurdité systémique que de la recherche d’un objectif précis. »
« En chienneté » est un beau livre qui nous fait plonger dans le quotidien de jeunes à peine sortis de l’enfance dans le milieu carcéral.