France 4 « Culturebox » a récemment diffusé « Fraternité, conte fantastique », pièce de la troupe Les Hommes Approximatifs animée par Caroline Guilea Nguyen.
Une catastrophe s’est abattue sur l’humanité. Lors d’une éclipse de soleil, la moitié des humains a tout simplement disparu. Dans de nombreux pays, des « centres de soin et de consolation » ont été ouverts pour aider ceux qui sont restés à faire face à leur chagrin.
La scène du théâtre fait entrer le spectateur dans un de ces centres. À gauche, une cabine permet d’enregistrer un message que des satellites relaient aux absents, en espérant qu’ils puissent les capter. Au milieu, un espace convivial où des bénévoles animent des groupes de parole ou servent des repas. À droite, des instruments de mesure et des écrans actionnés par une fonctionnaire de la NASA qui s’exprime en anglais.
Le poids du chagrin ralentit le rythme cardiaque de ceux et celles qui pleurent la disparition d’un proche ; il freine aussi la rotation des planètes, de sorte que le temps se dilate, que des minutes s’éternisent en années et que la date d’une prochaine éclipse, dont on attend le retour des disparus, devient insaisissable.
Comment remettre l’univers en mouvement ? Un protocole scientifique permettrait-il d’embrasser les absents, ne fût-ce quelques secondes ? Et quel serait le prix à payer : le sacrifice de tous les souvenirs ?
Le groupe des bénévoles est hétérogène, hommes et femmes de 16 à 80 ans, d’origines française, indienne, vietnamienne, algérienne comme Caroline Guilea Nguyen elle-même. Ils parlent le français, l’anglais, l’arabe, le vietnamien. Peu à peu, la souffrance de l’un – l’absence d’un fils, d’une épouse, d’une mère – devient chagrin partagé. Leurs questions – faut-il dire au père inconsolable que sa femme adorée ne reviendra jamais ? – deviennent celles de toutes et tous.
Ce conte fantastique sur la séparation et la perte fait écho à mon expérience de visiteur de personnes sous main de justice. Brutalement mise à l’écart, la personne détenue fait l’expérience d’un deuil, mais la prison offre peu de soin et de consolation. Je n’ai pas été étonné d’apprendre que Caroline Guilea Nguyen a réalisé un film à la Maison centrale d’Arles, « Les Engloutis », qui constitue un volet de la série « Fraternité ».