France 3 Aquitaine a récemment diffusé un documentaire écrit et réalisé par Djamel Zaoui et Miguel Sanchez Martin intitulé « nos voisins les détenus ». Son sujet : le centre de détention de Mauzac, en Dordogne.
La prison de Mauzac est atypique. Si le bâtiment originel, construit en 1939, relève de l’architecture pénitentiaire classique, des constructions ont été ajoutées dans les années 1980 lorsque Robert Badinter était Garde des Sceaux. Les détenus sont logés dans des pavillons environnés de verdure, ce qui rend la captivité moins abrupte que dans les monstres gris de 600 places construits ces dernières décennies.
Autre particularité : dans le périmètre de la prison, les détenus se déplacent librement pendant la journée. Ils détiennent la clé de leur cellule. Le moindre niveau de sécurité s’explique par la sociologie des pensionnaires : il s’agit pour la plupart de délinquants sexuels appartenant à toutes les classes sociales. Ici, pas de bandes organisées et armées pour le contrôle d’un territoire ou d’une filière de stupéfiants.
Les personnes interrogées dans le film, direction, surveillants, psychologues, conseillers d’insertion, détenus, insistent sur le « parcours de peine ». Les personnes enfermées ici le sont pour de longues années. On leur propose un cheminement qui passe par la reconnaissance – parfois douloureuse – des faits pour lesquels elles ont été condamnées, la remontée du fil du temps jusqu’à leur petite enfance et la projection d’un avenir à construire en vue de leur retour dans une vie libre.
Il y a dans cette approche un vrai respect des personnes et de leur capacité à mettre à profit le temps de la détention pour changer le cours de leur vie et éviter la répétition de leur crime. Lors d’une visite à Mauzac en 2018, l’actuelle présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun Pivet tweetait que le centre de détention était axé sur la socialisation, la responsabilité, la formation et le travail. Elle concluait « Ensemble, repensons la prison ! »
Le documentaire n’évite pas un biais apologétique. Pourtant, tout n’est pas rose à Mauzac. Seule une partie des détenus vit dans la « prison Badinter », les autres sont enfermés dans la prison d’avant-guerre. Des intervenants soulignent la rareté croissante du travail, qui fait partie pourtant du projet de « prison ouverte ». La ferme-école proche de la prison ne compte plus que 25 stagiaires, contre 60 à 70 il y a dix ans. Les possibilités d’emploi dans la région sont de plus en plus réduites. La formation théorique et pratique en menuiserie n’accueille que quelques-uns des détenus.
Robert Badinter intervient à plusieurs reprises dans le film. Il explique qu’il serait absurde que la prison ne serve qu’à faire souffrir. Les prisonniers ont vocation à sortir un jour. Comment faire pour que le temps passé en captivité prépare leur retour dans la société des femmes et des hommes libres ? Badinter se désole de l’attitude des politiciens : « paroles, paroles », comme dans la chanson.
La voix off du documentaire est celle de la comédienne Corinne Masiero. « Le détenu d’aujourd’hui sera notre voisin de demain », dit-elle en conclusion.