Serge a 50 ans. la Cour d’assises l’a condamné à une lourde peine. Il calcule qu’il restera en prison sept ans au moins. À ma surprise, je l’ai trouvé rasséréné au lendemain du procès.
Il s’attendait à une plus lourde peine. L’épreuve du grand déballage, du cérémonial et des plaidoiries est derrière lui, il ne fera pas appel.
Quand il contemple ces sept ans à venir, deux mille cinq cents jours, Serge en mesure les dangers. La lente usure du temps, le vieillissement. L’altération des sens, la perte de l’horizon, l’odeur de désinfectant, les cris et les claquements de clés, la cuisine de collectivité, les corps défendus. L’oisiveté, les habitudes qui s’incrustent. Le monde de dehors qui bouge en dehors de soi. Les proches qui deviennent lointains, avec leur vie à eux à laquelle on n’a plus part.
Ne faudrait-il pas se fixer un défi, maîtriser une langue étrangère, obtenir un diplôme, devenir peintre, sculpteur, musicien, botaniste ou jardinier ?
Le défi que Serge aimerait avant tout se fixer serait de recoller les morceaux avec ceux qui, en raison des actes qu’il a commis, ont rompu les ponts et lui ont tourné le dos. C’est problématique : il faut être deux pour se réconcilier, nul ne peut y parvenir tout seul. Combien de cartes d’anniversaire ou de bonne année faudra-t-il envoyer, combien de non-réponses faudra-t-il endurer pour que, peut-être, l’être autrefois aimé consente à lui parler de nouveau ?
Sept années à occuper le plus activement possible, pour ne pas se laisser ronger par le temps à purger, par le remords, par le désespoir des morceaux non recollés. Sept années à poursuivre le rêve de Michel Fugain, « je n’aurai pas le temps » :
Même en courant
Plus vite que le vent
Plus vite que le temps
Même en volant
Je n’aurai pas le temps
Pas le temps
De visiter
Toute l’immensité
D’un si grand univers
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps
De tout faire
Super ressenti Xavier, et merci pour ce témoignage.