Un weekend à Amsterdam offre une expérience profondément dépaysante. La nature s’efface sereinement devant l’artifice.
Le mot qui s’impose est sérénité. Dans le centre-ville, l’automobile est presque exclue. Elle n’occupe qu’une petite bande de circulation. L’espace est investi par les voies du tramway, les pistes cyclables et les trottoirs.
Au long des canaux, le temps semble s’écouler lentement, on navigue ou on marche tranquillement. Les jardins sont omniprésents derrière les façades. En ce mois de mai, les rues sont égayées par d’innombrables bacs de fleurs.
Une fébrilité se ressent toutefois sur les pistes cyclables, comme je l’avais observé lors d’un précédent séjour en 2012. Qu’il pleuve ou qu’il vente, une foule de cyclistes se hâte. Gare au piéton imprudent qui aurait l’audace de traverser en interrompant l’élan d’un cycliste lancé à toute allure.
À une trentaine de kilomètres au sud-ouest d’Amsterdam, le jardin floral du Keukenhof semble un paradis de la nature, avec ses frondaisons et ses tulipes. Le visiteur comprend très vite qu’il s’agit d’une œuvre d’art. Tout a été pensé, l’agencement des couleurs, le dessin des massifs floraux. L’entretien se fait sans répit : on étête les fleurs avant qu’elles se fanent, on nettoie les plates-bandes, on tond le gazon.
Le Keukenhof est situé dans une ancienne mer intérieure asséchée au milieu du dix-neuvième siècle. C’est une réalisation totalement artificielle. Amsterdam et l’essentiel des Pays-Bas sont sans cesse menacés par l’irruption de la mer, aujourd’hui plus que jamais alors que son niveau s’élève et que les tempêtes se font plus fréquentes et plus brutales.
On attache au mot « artificiel » une connotation négative. Cet adjectif est souvent associé à laid, nocif, frelaté. Amsterdam rend à ce mot sa noblesse : une construction des mains de l’homme, sans cesse à recommencer. Le défi permanent incite à la recherche de consensus, pousse à la tolérance : c’était le message de Spinoza. Il encourage les artistes dans la quête d’une beauté sublime : que l’on pense à Rembrandt ou Vermeer. Baruch Spinoza naquit le 24 novembre 1632, trois semaines après Johannes Vermeer.