Dans le cadre de son festival annuel, fondé et dirigé par Jacques Hubert, « Estivales de musique en Médoc » organise chaque année un concert à la maison d’arrêt de Gradignan, près de Bordeaux.
En ouverture de la saison, Aurélien Pascal, violoncelliste virtuose, a donné bénévolement deux concerts d’une heure, l’un au quartier des femmes, l’autre pour des hommes. Il devait jouer le lendemain, à guichet fermé, au Château Lafite Rothschild.
Une quinzaine d’hommes détenus prennent place dans la salle de spectacle de la maison d’arrêt, décorée de mangas. Elle peut contenir au moins cinquante personnes. Il fallait s’inscrire en remplissant un formulaire. Peu de détenus l’ont fait. C’était pourtant l’occasion d’assister à un spectacle d’une qualité exceptionnelle, d’échapper pour un moment à la grisaille des jours monotones. « La musique classique, ce n’est pas pour nous ». C’est, me dit un détenu, ce que pensent beaucoup de ceux qui n’ont pas fait le geste de s’inscrire.
Le récital d’Aurélien Pascal inclut des œuvres de trois compositeurs, à commencer par Jean-Sébastien Bach. Je découvre Gaspar Cassadó (1897 – 1966), violoncelliste catalan. La suite donnée aujourd’hui alterne la gaîté des bals populaires et une profonde tristesse.
L’artiste fait corps avec son instrument. Il y a quelque chose de sensuel, voire de sexuel, dans leur étreinte. Dans l’ambiance de sévère frustration sexuelle de la prison, les plaintes, les surgissements, les frottements, les cris émis par l’instrument travaillent le ventre des spectateurs et s’échappent par les étroites fenêtres vers la liberté.
Phrases magiques. Bravo Xavier.