Habemus Papam

Le  film de Nanni Moretti, Habemus Papam, vient de sortir en Grande Bretagne sous le titre « We have a pope » et a y a reçu un accueil mitigé.

 A la surprise générale, c’est un outsider, le cardinal Melville (Michel Piccoli) qui est élu pape par le conclave des cardinaux. Une foule immense acclame la fumée blanche, mais au moment d’apparaître au balcon, l’élu s’effondre et hurle son désespoir et sa terreur. Le balcon est vide. L’Eglise catholique entre en crise. Le désespoir pousse les cardinaux à faire appel au « pape » des psychanalystes, joué par Nanni Moretti lui-même. La première partie du film manie avec brio l’intrigue, l’humour et la critique sociale d’un monde ecclésiastique infantilisé.

 C’est à partir de là que certains critiques britanniques désapprouvent Moretti, en tant que metteur en scène. Ils s’attendaient à un face à face serré entre deux personnalités, le pape et le psychanalyste, un peu à la manière du Discours d’un Roi. Au lieu de cela, le pape disparait du Vatican en costume civil, se mêle au peuple de Rome, marmonne son égarement dans un tramway parmi des passagers étonnés de son monologue, se mêle à une troupe de théâtre qui répète une pièce de Tchekhov. Il découvre qu’il est un acteur raté. L’Eglise aurait besoin d’un leader fort capable d’imprimer les changements indispensables ; il n’est qu’un suiveur, il n’est pas fait pour le rôle. Ici aussi les critiques se font entendre : pourquoi ne pas avoir mis en scène la révolution nécessaire dans l’Eglise Catholique, réconciliation avec la sexualité et distanciation d’avec les pouvoirs ?

 En réalité, l’égarement du pape n’est pas l’égarement du scénario. Pendant que Melville maraude dans les rues de Rome en proie à la dépression, le porte–parole du Vatican emploie un garde suisse comme figurant dans son appartement et le psychanalyste vedette organise un tournoi de volleyball entre les cardinaux. Le film glisse dans l’absurde parce que son personnage central a implosé et que le collège des cardinaux n’a pas plus de consistance qu’un décor de carton plâtre.

 Je retiens du film deux scènes formidables. Les cardinaux organisent un premier face à face entre le pape élu et le psychanalyste. Il est toutefois interdit de parler de subconscient et de sexe, et le conclave au grand complet est témoin de cet entretien intime. Un peu plus tard, Melville dîne dans une trattoria avec la troupe d’acteurs qui interprètent Tchekhov. La télévision allumée dans la salle à manger a un unique sujet : la crise angoissante traversée par l’Eglise Catholique. Un expert s’exprime d’un ton ferme avant de balbutier et de confesser que, finalement, il n’a aucun avis !

 Photo du film « Habemus Papam ».

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