Relire « Budapest »

J’ai pris plaisir à relire Budapest (Budapeste en portugais brésilien), roman écrit par Chico Buarque en 2003. J’en avais rendu compte dans « transhumances » en novembre 2010.

 José Costa vit à Rio de Janeiro avec sa femme Vanda et leur fils Joaquinho. Il est écrivain anonyme, ou encore « ghost writer » ou « nègre ». Il écrit pour le compte d’autrui articles de journaux, discours, dissertations, lettres d’amour et biographies. 

 Deux événements vont changer le cours de sa vie. La biographie qu’il a écrite pour le compte d’un obscur aventurier allemand, le « Ginographe » (celui qui écrit sur le corps des femmes), rencontre un immense succès de librairie, et menace son anonymat. Au retour d’un congrès d’écrivains anonymes à Melbourne, son vol fait une escale technique à Budapest. À l’issue d’une nuit passée à essayer de comprendre ce qui se dit à la télévision, il se passionne pour la langue magyare.

Rio de Janeiro

José Costa décide de s’immerger en Hongrie et d’apprendre la langue. Il suit des cours auprès d’une professeure nommée Fülemüle Kriszstina, Kriska, qui a la particularité de circuler partout chaussée de patins à roulettes. Elle ne lui pardonne aucune erreur de vocabulaire, de syntaxe ni de prononciation. Devenu Zsoze Kósta, il domine si bien la langue qu’il finit par exercer le même métier qu’à Rio : écrivain anonyme.

 Comme à Rio, il rencontre indirectement un immense succès. Le recueil de poèmes qu’il a écrit pour un poète hongrois en mal d’inspiration fait un triomphe dans les librairies de Budapest. Revenu à Rio, José/Zosze est rappelé à Budapest. Un auteur anonyme lui a attribué un roman magnifique dont le titre est « Budapest » !

Budapest

 « Budapest » est un grand livre, bien construit, décalé au point d’en être souvent poétique, plein d’humour. Je cite ici deux extraits où se manifeste cet humour.

 José participe à la rencontre annuelle des auteurs anonymes à Melbourne. « Éthique, lois de la presse, responsabilité pénale, droits d’auteur, survenance de l’internet, le programme de la rencontre était large, à huis-clos dans un hôtel morose de Melbourne (…) Mais déjà dans la seconde journée, à mesure que nous entrions dans la nuit, les questions d’intérêt commun laissèrent peu à peu la place à des dépositions personnelles troublantes. Ça commençait à évoquer une convention d’alcooliques anonymes qui souffriraient non de l’alcool, mais de l’anonymat. »

 Pour la première fois, José, qui ne parle encore que quelques mots de langue hongroise, se trouve au lit avec sa professeure Kriska. « Kriska se déshabilla de manière inespérée, et je n’avais jamais vu un corps si blanc de toute ma vie. Toute sa peau était si blanche que je ne savais comment la prendre, où installer mes mains. Blanche, blanche, blanche, je disais, belle, belle, belle, il était pauvre, mon vocabulaire. Après l’avoir contemplée un moment, je désirai effleurer ses seins, ses petits mamelons roses, mais je n’avais pas encore appris à demander les choses. Et je n’osais pas non plus faire un pas sans son consentement, car Kriska était amoureuse de la discipline. »

Chico Buarque (Francisco Buarque de Holanda) sur la télévision française en 2014

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