Arte TV a récemment diffusé « Le métis de Dieu », téléfilm d’Ilan Duran Cohen sur un scénario de Chantal de Rudder, qui raconte plusieurs années de la vie du Cardinal Jean-Marie Lustiger (1926 – 2007), aux prises avec sa double identité juive et chrétienne.
Lustiger (Laurent Lucas) se définissait lui-même comme « métis de Dieu ». Né d’une famille juive, prénommé Aron, il se convertit à 14 ans au catholicisme et choisit le prénom de Jean-Marie, suscitant l’hostilité tenace de son père (Henri Guybet). Il ne cessera de se proclamer Juif, jusqu’à demander que lors de ses obsèques soit prononcé le Kaddish.
Lorsque commence le film, en 1979, il se rend en Solex à la convocation du Nonce apostolique, qui lui apprend sa nomination par Jean-Paul II (Aurélien Recoing) comme évêque d’Orléans. À peine un an plus tard, c’est Archevêque de Paris qu’il est nommé, puis Cardinal en 1983.
C’est une véritable amitié qui se noue entre le pape et le prélat français. « Lulu » et « Carol » se tutoient. Le film les montre se baignant ensemble dans la piscine que le pape a fait creuser à Castel Gandolfo. Wojtyla présente à Lustiger sa toute nouvelle papamobile. « Tu vas être là-dedans comme un animal de foire », dit Lulu. « Oui mais au moins je ne serai pas la cible de tir aux pigeons », répond Carol.
Les deux hommes ont beaucoup en commun, en particulier leur enracinement en Pologne, directe pour Wojtyla, par ses parents pour Lustiger. L’un et l’autre sont des hommes d’action, des bulldozers. Mais Ils partagent surtout une vision intransigeante du catholicisme. Dans le film, Jean-Paul Ii expose sa stratégie de marginaliser les extrêmes dans l’Église. En réalité, la hantise du communisme les pousse à rechercher la réintégration des intégristes et la marginalisation des progressistes. À Orléans, Lustiger a remplacé Guy Riobé et à Paris François Marty, deux hommes connus pour leur ouverture d’esprit.
En 1987 éclate l’affaire des Carmélites d’Auschwitz. Un couvent a été installé dans l’enceinte du camp. L’affaire fait scandale. Aron Jean-Marie Lustiger, dont la mère Giselle a été gazée en 1943, partage l’exaspération des communautés juives dans le monde entier. Jean-Paul II, sensible à l’opinion polonaise, accepte avec réticence que des négociations confidentielles s’engagent, et nomme Lustiger comme négociateur pour l’Église Catholique.
Un accord est trouvé pour la réinstallation des religieuses à quelques kilomètres du camp, mais les autorités religieuses polonaises ne le respectent pas. L’amitié entre Wojtyla et Lustiger est ébranlée au point de menacer de se rompre.
« Le métis de Dieu » est un excellent documentaire sur un moment historique pour l’Église catholique et ses relations avec le judaïsme. Le choc de deux personnalités exceptionnelles, incarnées par laurent Lucas et Aurélien Recoing, est excellement interprété.