Making of

Dans « Making of », Cédric Kahn raconte le tournage d’un film dans des conditions chaotiques qui exaspèrent les tensions entre les corps de métier présents sur le plateau.

 Simon (Denis Podalydès) est réalisateur d’un film qui raconte la lutte d’ouvriers contre la délocalisation de leur usine, leur rêve d’autogestion jusqu’à la défaite finale. Il dispose d’un site idéal, le lieu même de la lutte, de comédiens réputés, d’un groupe de techniciens expérimentés et de nombreux figurants recrutés sur place.

 Parmi les figurants se trouve Joseph (Stefan Crepon), un jeune pizzaiolo qui rêve de travailler dans le cinéma. Joseph présente à Simon un scénario qu’il a écrit. Simon a besoin d’un caméraman pour faire le « making of » de son film. Comme il a Joseph sous la main, il l’embauche dans ce rôle.

Pour Joseph, l’initiation à la réalité du cinéma va être bouleversante. Elle commence par une réunion entre le réalisateur et des producteurs venus de Paris pour lui parler d’un « détail ». Il ne s’agit ni plus ni moins que de réécrire la fin du film, de lui donner un happy end qui garantira le succès en salles.

 Simon refuse. Les producteurs se retirent, alors que le tournage a commencé. Marquez (Xavier Beauvois), le producteur délégué, part à Paris pour trouver d’autres financeurs, mais il échoue. C’est le chaos. Marquez promet d’expliquer aux comédiens, techniciens et figurants que leur cachets ou salaires ne seront pas payés. Mais il se défile, et c’est à Viviane (Emmanuelle Bercot), la responsable opérationnelle, de leur demander d’achever le tournage sans rien percevoir.

 La situation du personnel trouve un écho troublant dans les scènes du film de Simon où les ouvriers, en grève depuis deux semaines, doivent décider de continuer leur mouvement sans être payés, ou bien accepter l’indemnisation que propose la direction. Dans le film, les ouvriers font face aux patrons. Sur le tournage se joue un affrontement entre les producteurs et les protagonistes, metteur en scène, acteurs, techniciens, figurants. Et les protagonistes n’ont pas le même statut social, ne sont pas payés de la même manière, touchent des rémunérations séparées par un abysse. Derrière cette affaire de gros sous affleure une vraie lutte de classes.

La situation d’extrême tension que cause l’arrêt du financement exaspère d’autres conflits : Nadia (Soheila Yacoub), qui joue une ouvrière, ne supporte pas l’égocentrisme d’Alain (Jonathan Cohen), dont le rôle de leader syndical dans le film dérive en comportement paranoïaque sur le tournage. Le couple que forment Alice (Valérie Donzelli) et Simon est miné par la passion exclusive de celui-ci pour le cinéma, et le chaos du film menace de le ruiner définitivement.

 « Making of » est un excellent film avec un scénario brillant et des acteurs exceptionnels, capables de rendre visible leur ambigüité. Ainsi, Simon est à la fois vulnérable et résilient ; Alice est décidée à rompre, mais aime profondément son mari ; Marquez est un horrible personnage, malhonnête et lâche, mais finalement irremplaçable.

 

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