Pour marquer le dixième anniversaire des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercacher de la Porte de Vincennes, France 4 a diffusé récemment L’humour à mort, documentaire réalisé par Daniel et Emmanuel Leconte en 2015, quelques mois après les événements.
Le titre du film est dérivé de celui qu’avait réalisé François Truffaut en 1984 : L’amour à mort. Son ambition était de faire entendre de nouveau les dessinateurs et journalistes assassinés le 7 janvier 2015. « Oui, expliquait Emmanuel Leconte, c’étaient des gens qui résistaient. Je me suis dit « il faut absolument les entendre de nouveau. C’est inadmissible qu’on leur cloue le bec ».
Daniel Leconte rend la parole à Cabu, Charb, Coco, Tignous, Honoré, Wolinski. Ils étaient déjà les héros de son film « c’est dur d’être aimé par des cons », réalisé en 2008 après le procès intenté à Philippe Val, alors directeur de la rédaction de Charlie, pour avoir publié les caricatures de Mahomet initialement parues dans un journal danois et qui avaient provoqué des manifestations monstres dans des pays musulmans.
« L’humour à mort » utilise les rushs de ce film pour faire entendre la parole des dessinateurs. On entend Cabu affirmer qu’il est conscient des risques qu’il encourt. Il a tenté de les atténuer en ne montrant pas le visage du Prophète, caché par ses mains désolées. Mais la vindicte des fondamentalistes ne s’est pas démentie.
Le film commence par des scènes de la manifestation du 11 janvier 2015 sur le thème « Nous sommes Charlie », qui rassembla 1,5 millions de personnes à Paris et des foules en province et à l’étranger. On frémit aujourd’hui à l’évocation de ce moment d’unité nationale : « je suis Charlie », « je suis Juif », « je suis policier ».
Le témoignage de Coco, contrainte d’ouvrir le local du journal sous la pression d’une Kalashnikov, est bouleversant. Le courage des survivants, accueillis par Libération sous haute protection policière, pour sortir le journal le mercredi suivant, comme d’habitude, est impressionnant. Ce numéro, dont la couverture présente un dessin du Prophète tenant un manifeste « Je suis Charlie » sous le titre « tout est pardonné » sera tiré à trois millions d’exemplaires.
Dès les jours suivant la « marche républicaine » du 11 janvier 2015, des voix se firent entendre pour suggérer que les caricaturistes de Charlie l’avaient bien mérité », et que Charb, par son imprudence, avait mené ses collègues à la mort. Pour les journalistes et dessinateurs, la tentation de s’autocensurer est forte désormais. Le combat pour la liberté d’expression est plus que jamais d’actualité.