Arte TV a récemment diffusé « Les repentis » (Maixabel dans la version originale espagnole), film réalisé par Iciar Bolein en 2022.
Transhumances s’est fait l’écho la même année du programme de justice restaurative mené entre des membres de l’ETA repentis et leurs victimes. C’est ce programme qu’Iciar Bolein met en scène au cinéma. Le rôle de l’animatrice et médiatrice de ce programme, Esther Pascual, est joué par Tamara Canosa.
Le 29 juillet 2000, Juan Maria Jauregui, haut fonctionnaire de l’État espagnol et membre du PSOE (le Parti socialiste espagnol) fut assassiné à Tolosa, en Euskadi, par un commando de l’ETA formé de trois hommes.
Pour Maixabel Lasa Blanca Portillo), l’épouse de Juan Maria et leur fille Maria (Maria Cerezuela), la perte est irréparable, même si la menace permanente que faisait peser l’ETA pourrissait leur vie depuis des années.
Dans les années suivant l’attentat, deux des membres du commando, Ibon Etxezarreta (Luis Tosar) et Luis Carrasco (Urko Olazabal) prennent leur distance d’avec l’organisation terroriste. Ils rejoignent d’autres repentis dans la prison Naclares de la Oca, à Alava, au Pays basque. Ils ont en effet parcouru un chemin, de la célébration joyeuse de la mission accomplie au soir de l’assassinat à la honte de découvrir qu’on a été manipulé et qu’on leur a fait commettre des crimes irréparables. Lorsqu’Ibon revient dans son quartier pour une première permission, il se rend compte que ses anciens amis se détournent de lui et que le mot « traître » a été peint près du porche de son immeuble.
De son côté, Maixabel est devenue la voix des victimes, pas seulement de l’ETA mais de toutes les formes de terrorisme. Sa fille Maria, encore sous le coup de la haine et de la douleur, n’adhère pas au militantisme de sa mère. Lorsqu’en 2011 Esther Pascual explique à Maixabel qu’un programme de justice restaurative a été lancé et qu’un détenu demande de la rencontrer, elle accepte le défi.
La rencontre de Luis et Maixabel est lourde de pudeur et de silence, mais quelque chose est finalement échangé. Luis veut demander pardon, mais cette demande n’est pas formulée, et donc ne peut être acceptée. Lorsqu’à son tour, Ibon est prêt à rencontrer l’épouse de l’homme qu’il a tué, le programme a été annulé, à son désespoir. On apprend dans le livre « Les ojos del otro » (les yeux de l’autre) que le processus ne put se poursuivre en raison du changement de gouvernement à Madrid, fin 2011. Le gouvernement du parti populaire prétendit que les rencontres ne soient organisées qu’à la demande des victimes, alors que le début du processus avait été provoqué par les ex-terroristes. Il exigea la présence aux rencontres d’un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire chargé de dresser procès-verbal, alors que la rencontre restaurative est un acte privé et confidentiel. Il fallait aussi que l’agresseur demande pardon.
C’est donc hors de la prison, à la faveur d’une permission, qu’Ibon rencontre Maixabel en présence d’Esther Il lui avoue qu’il avait vécu sa capture comme une libération : enfin, il n’allait plus être contraint de tuer. Chaque année, une cérémonie à la mémoire de Juan Maria est organisée sur une colline. La dernière scène du film s’y déroule. Elle est bouleversante.
Blanca Portillo a reçu le Goya 2022 pour la meilleure actrice, Urko Olazabal le Goya pour le meilleur acteur dans un second rôle et Maria Cerezuela le Goya de la révélation féminine.