La peine

« La peine », film documentaire de Cédric Gerbehaye présenté en avant-première au cinéma Utopia de Bordeaux, offre au spectateur des images uniques sur la réalité carcérale.

« La peine » est le premier film de Cédric Gerbehaye. Photographe, celui-ci avait travaillé à Gaza et en Israël, au Kurdistan turc et irakien, en République du Congo. Il a vécu 9 ans au centre de Bruxelles, à proximité de trois prisons qui étaient progressivement vidées de leurs occupants, celles de Saint-Gilles, Forest et Berkendael, remplacées par celle de Haren, ultra-moderne en périphérie de la ville.

Cette situation de transition et une relation d’amitié avec le directeur de ces établissements a permis au réalisateur de filmer pendant six ans avec une totale carte blanche. Les images que l’on voit dans ce film tourné en noir et blanc n’existent dans aucun autre film consacré à la prison. On y voit des détenus balancer des colis d’une cellule à l’autre par des yoyos, d’autres aménager la cache de leur téléphone portable.

Un détenu urine dans un pot en plastique : il n’y a pas d’eau ni de toilettes dans ces cellules d’un autre âge. Deux détenus écrivent et vocalisent du slam et du rap. Le directeur explique à un inspecteur que « le droit est phagocyté par la prison pour se retourner contre le détenu ».

Filmé en gros plan, un détenu épuisé confie « maintenant, c’est fini, c’est bon, je veux juste qu’on me laisse tranquille. » Un homme âgé écrit à son fils « quelle contradiction, tenter de resocialiser des hommes et des femmes en les éloignant de la société. » Un surveillant quitte la prison une dernière fois, le jour de son départ en retraite, et embrasse ses collègues.

Le réalisateur filme des femmes incarcérées et les bébés qu’elles sont autorisées à garder avec elles en détention jusqu’à leurs deux ans. Il filme aussi des femmes au parloir. L’une d’entre elles tire de sa culotte un gel qui permettra à son homme de laquer ses cheveux. Dans l’unité de vie familiale, elles peuvent partager pendant quelques heures un moment d’intimité avec leur conjoint.

Les oiseaux, traversant la cour à tire d’aile ou appuyés aux barreaux d’une cellule, sont souvent présents à l’écran, rappelant aux détenus leurs rêves de liberté et leur réalité incarcérée.

« La peine » est un film exceptionnel. Cédric Gerbehaye explique que son outil n’est pas la caméra simplement accrochée en bandoulière, mais on corps et son regard, au contact du corps et du regard des personnes détenues. Les images sont travaillées au cordeau. Le spectateur en sort ému et ébranlé.

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