Il était une fois en Anatolie

Photo du film "Il était une fois en Anatolie"

 « Il était une fois en Anatolie » du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan (2011) passe actuellement sur les écrans londoniens.

 Le point commun entre le film de Ceylan et « il était une fois dans l’Ouest » de Sergio Leone, c’est le temps qui s’écoule lentement dans d’immenses espaces.

 La photographie de « il était une fois en Anatolie » est d’une exceptionnelle qualité, qu’il s’agisse de restituer la beauté des collines plantées de céréales ou les nuances et les changements brutaux d’expression de visages.

 A la nuit tombante, un convoi de trois véhicules s’arrête en rase campagne à proximité d’une fontaine. Il y a là un procureur, un médecin, plusieurs policiers, des gendarmes, des ouvriers chargés d’une pelle et deux hommes menottés. Il s’agit de retrouver le cadavre d’un homme que les suspects ont avoué avoir assassiné. Mais – effet de l’obscurité, trou de mémoire ou mauvaise volonté – le lieu de l’ensevelissement reste introuvable. La petite troupe erre d’un endroit à l’autre jusque tard dans la nuit. Les policiers, commandés par Naci (Yilmaz Erdogan), passent à tabac le suspect, Kenan (Firat Tanis) dont ils pensent que le silence n’est que manipulation.

 On décide de s’inviter pour une pause repas chez le maire du bourg où a eu lieu le meurtre. Une panne d’électricité plonge la maison dans le noir. On s’éclaire à la bougie. La fille du maire, une adolescente splendide, brise l’armure du monstre, Kennan. Il s’effondre en larme, reconnait être le père de l’enfant de l’homme qu’il a tué et emmène la troupe au lieu de l’ensevelissement.

 Le dernier tiers de ce film de deux heures et demie se déroule au petit matin, à l’hôpital où le médecin, le docteur Cemal (Muhammat Uzuner) va pratiquer l’autopsie. Les protagonistes sont épuisés. Le procureur (Taner Birsel) est bouleversé. En parlant avec Cemal, il a découvert qu’une amie (mais qui n’est probablement autre que sa propre femme) qui avait prédit au jour près la date de sa mort, se l’était probablement donnée pour le punir de ses infidélités.

 Cemal pratique l’autopsie et dicte ses conclusions. Des traces de terre dans les poumons de la victime laissent entendre qu’il a pu être enterré vivant. Cemal décide de passer cela sous silence. Pourquoi ? Par humanité pour un assassin dont la nuit a révélé que le monstre cachait un être sensible ? Ou parce que ce médecin de la ville vient de se naturaliser dans ce bourg d’Anatolie au point de préférer l’omerta au scandale ?

 « Il était une fois en Anatolie » est l’un de ces films où en surface le temps s’étire et où aucune action ne se passe, mais où les personnages font, en accéléré, une transhumance d’un état mental à l’autre. C’est incontestablement un chef d’œuvre, récompensé par le Grand Prix du Festival de Cannes.

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