A l’occasion des Jeux Olympiques, la Grande Bretagne se présente au monde comme elle est et non comme elle était.
Dans un article de The Guardian du 27 juillet intitulé « il est temps de découvrir qui nous sommes », Jonathan Friedland explique comment les Jeux Olympiques révèlent une Grande Bretagne fière de son identité, assumant pleinement son passé et se projetant dans l’avenir. Il cite David Cameron : « j’aime la Grande Bretagne comme elle est, non comme elle était ». Ce qu’elle est, c’est une société multiraciale avec une forte pénétration de l’Internet, mais aussi un pays reposant sur des institutions ancrées dans l’histoire. La cérémonie d’ouverture en a cité plusieurs : la monarchie bien sûr, mais aussi le service national de santé (NHS) et bien d’autres. Nous vivons une année de « Jubilympics », un peuple entier communiant dans la célébration de 60 ans de règne (le Jubilée) et l’accueil de plus de deux cents nations pour les Jeux Olympiques (Olympics).
Pendant 70 jours, la flamme olympique est passée de main en main partout dans le pays dans un climat d’intense ferveur. Des millions de personnes sont venues la saluer. Des milliers de porteurs se sont relayés, de tous âges, races, conditions sociales et physiques. Lorsque la flamme a traversé les quartiers ravagés l’an dernier par les émeutes, les policiers ont été applaudis.
La cérémonie d’ouverture mise en scène par Danny Boyle a révélé l’image d’un pays fier et, malgré la récession et le chômage, vraiment heureux. La scène qui m’a le plus ému est le ballet effectué par des personnels du service national de santé autour de 300 lits en hommage à l’hôpital de Great Ormond Street pour les enfants malades. Danny Boyle a ainsi placé la médecine gratuite pour tous parmi les institutions fondatrices de la Grande Bretagne moderne ; il a aussi produit une scène d’une immense poésie, avec l’évocation des démons venant tourmenter les enfants à l’heure du sommeil. JK Rowling, l’auteure de Harry Potter, lut les premières lignes de Peter Pan.
L’Angleterre bucolique qui occupe le stade au début de la cérémonie est bientôt ravagée par la furie de la révolution industrielle. On lit un passage de la Tempête de Shakespeare : « n’ayez pas peur, l’île est pleine de bruit ». La fureur des fonderies, l’excitation des capitalistes en chapeau haut de forme, le travail exténuant des ouvriers produisent les anneaux olympiques. Dans une scène évoquant Slumdog Millionnaire, deux jeunes se trouvent sur fond de téléphones portables et de sites de rencontre.
La création de Danny Boyle a naturellement fait place à l’humour (anglais). Nous assistâmes au parachutage de la Reine elle-même accompagnée de James Bond sur le stade olympique ; Rowan Atkinson (Mr Bean) joua le rôle d’un musicien s’ennuyant à mourir dans un grand orchestre symphonique interprétant les Chariots de Feu.
Le spectacle fit place aux héros de la Grande Bretagne d’aujourd’hui, comme Bradley Wiggins, David Beckham ou Paul McCartney. Il donna aussi un rôle de choix aux héros inconnus qui, jour après jour, luttent aux prises avec leur handicap : l’hymne national fut chanté a capella par le chœur Kaos des enfants sourds.
A quelques semaines de quitter la Grande Bretagne, je vois dans « Jubilympics » l’expression enthousiaste de l’identité d’un peuple que j’aime. Les lendemains de fête donnent souvent la langue de bois, mais ce qui s’est manifesté ici inspire confiance dans l’avenir.