Malaise paysan

   

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La revue Télérama vient de publier une passionnante interview par Vincent Rémy de Marc Dufumier, agronome et militant de l’environnement, consacrée au malaise paysan. « Transhumances » en publie quelques extraits. La version intégrale peut être consultée à l’adresse suivante : http://www.telerama.fr/monde/les-agriculteurs-ont-perdu-leurs-reperes,54883.php

« Les citadins, qui ont un peu oublié ce qu’était l’agriculture, s’inquiètent surtout de la qualité sanitaire des aliments : dioxine dans le poulet, vache folle dans le steak, pesticides sur les légumes, hormones dans le lait, ça commence à faire beaucoup. Ils s’interrogent sur le bien-fondé d’une politique agricole commune (PAC) qui a abondamment subventionné les agriculteurs sans qu’on soit récompensés par la qualité des produits. Quand ils vont à la campagne, ils voient des paysages défigurés (…)  

On accuse les agriculteurs au lieu d’incriminer le système qui les a poussés à spécialiser exagérément leur agriculture et à la standardiser. Les agriculteurs disent : on a fait ce que les clients nous demandaient ; et les clients répondent : ce n’est pas ce qu’on a demandé. Cela vient du fait qu’entre eux, deux intermédiaires dominants, l’agro-industrie et la grande distribution, ont imposé des produits standards. Quand vous voulez faire épiler des canards par des robots, il faut que les canards naissent tous identiques, donc clonés, nourris avec la même alimentation, apportés le même jour à l’abattoir qui doit les traiter d’une seule et même façon…

(…) C’est un renversement complet : les agriculteurs sélectionnaient des variétés adaptées à leur terroir, les terroirs doivent désormais s’adapter à un faible nombre de variétés. Les agriculteurs n’ont plus à leur disposition que très peu de variétés végétales et un nombre décroissant de races animales.

Comment en sortir ? Il faut commencer par recombiner agriculture et élevage. C’est difficile parce que les agriculteurs se sont endettés dans la course aux machines, puis dans l’agrandissement des exploitations pour amortir ce matériel. Quelqu’un qui vient d’investir dans une grosse moissonneuse-batteuse ne peut investir dans une salle de traite, et inversement.

(…) Aujourd’hui, il faut revoir la copie : pour que les contribuables acceptent de continuer à financer nos agriculteurs, ces derniers vont devoir produire un environnement sain et beau et des aliments de bonne qualité. Quels sont les moyens d’y parvenir ? En généralisant les appellations d’origine protégées, avec une certification, comme pour le bio. Les agriculteurs seraient rémunérés non plus par des aides directes mais par des prix garantis, parce que le consommateur accepterait d’acheter plus cher ces produits. C’est possible puisque, malgré la crise économique, on importe 10 % de produits bio supplémentaires chaque année pour pallier l’insuffisance de la production française. Donc il y a bien un marché croissant pour des produits de qualité.

(…)  C’est cela qu’il faut renégocier : un transfert massif des subventions européennes vers l’agriculture de qualité. Une partie de ces subventions pourrait aussi rémunérer des contrats que les collectivités locales passeraient avec les agriculteurs pour le maintien du bocage, d’un environnement diversifié, afin de permettre notamment la survie des abeilles, donc la fécondation des fruitiers avec moins de pesticides et d’insecticides. Au final, on ne parlerait plus de subventions, de mendicité, mais de gens droits dans leurs bottes jouant un rôle de service public. »

Photo Télérama, Marc Dufumier

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