Le temps de l’aventure

« Le temps de l’aventure », film de Jérôme Bonnell, nous place au cœur d’une histoire d’amour brûlante et éphémère entre deux étrangers.

Alix (Emmanuelle Devos) ne sait plus où elle en est. Comédienne, elle vient à Paris pour un casting et juge sa prestation désastreuse. Elle s’interroge sur sa relation avec l’homme avec lequel elle vit. Ses relations avec sa sœur, une petite bourgeoise conventionnelle, sont exécrables. Alix, habituée par son métier à exposer des sentiments, est ravagée par la crise de la quarantaine.

Aujourd’hui est un jour accablant. Elle se retrouve sans le sou, carte bancaire bloquée ; son téléphone portable n’a plus de batterie ; le portable de son compagnon est sans cesse sur répondeur. Alix est déprimée. Dans la rue, par inadvertance, elle se cogne la tête contre un poteau métallique. Une passante lui conseille de maintenir la joue contre la surface froide du poteau ; « quel beau couple ! » marmonne un autre passant voyant Alix enlacée à son poteau.

Alix pourrait se résigner à la spirale du découragement. Mais c’est une battante. Dans le train qui la conduit de Calais, où elle joue au théâtre, à Paris, où elle vit, elle remarque un homme d’une soixantaine d’années, élégant et triste (Gabriel Byrne). Ils croisent et décroisent leurs regards. Il lui demande son chemin pour se rendre à l’église Saint Clotilde. Plus tard dans la matinée, Alix décide de s’y rendre. L’homme est venu participer à des obsèques. Alix se glisse dans le rôle d’un proche de la défunte. Elle se glisse dans la chambre d’hôtel de l’homme. Elle se glisse dans son lit. Ils font l’amour et se murmurent, en anglais, leurs secrets.

Entre les deux, c’est un amour total, fougueux, interrompu par des séparations de quelques heures, puis vécu sous la contrainte de l’horaire du train de retour à Calais. L’homme propose à Alix de venir vivre avec lui dans le Kent. Mais ces quelques heures de passion amoureuse intense ont permis à celle-ci de reprendre pied dans sa vie : elle jouera ce soir à Calais. Elle demande à son compagnon de l’y rejoindre : elle a une grande nouvelle à lui apprendre. L’aventure de deux jours et une nuit s’achève ; celle de sa vie recommence.

Jérôme Bonnell a écrit le scénario de ce film touchant et beau, dont il est aussi le réalisateur. Emmanuelle Devos est filmée de près, dans toute sa complexité de femme ravagée par le doute mais décidée à faire front et à provoquer le destin. Le couple Devos – Byrne est à la fois improbable (ce sont des étrangers avec 20 ans de différence d’âge) et totalement crédible. La bande sonore oppose avec justesse des morceaux de musique classique aux bruits agressifs de la rue, du train et des bars. Il y a des moments drôles, comme lorsqu’Alix s’invente le personnage d’une intime de la défunte de l’église Sainte Clotilde et se lie à Rodolphe (Gilles Privat), un professeur bavard et naïf. Il y a aussi des situations tragiques : pour le casting, Alix doit jouer devant l’œil froid d’une caméra vidéo, le rôle d’une femme se retrouvant nue à la porte de chez elle : précisément la situation dans laquelle elle se trouve, démunie de tout.

« Le temps de l’aventure » est l’un des meilleurs films qu’il m’ait été donné de voir au cours des derniers mois.

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