Le théâtre de la Pépinière à Paris présente un one-man-show de François Morel, « la fin du monde est pour dimanche ». Il s’agit, selon son auteur, d’un spectacle existentiel traitant de la vie, de la mort, de l’âge et du temps qui passe, et aussi de la recherche du bonheur… le tout sur le mode du rire.
« J’sais pas quoi faire, j’ai rien à faire ». L’image d’Anna Karina marchant désœuvrée le long d’une plage et trompant son ennui en faisant des ricochets introduit le spectacle de François Morel. La vie nous plonge dans un compte à rebours : ramené à l’échelle d’une semaine, un nouveau-né se trouve un lundi, un vieillard le samedi après-midi, pensant avec frayeur au dimanche qui menace. Le temps est court et il s’accélère. Il faut « faire » quelque chose, des ricochets, ou bien l’amour, la cuisine ou la guerre.
A la barre du tribunal, un homme accuse le Bonheur. Il lui reproche de n’être qu’un fuyard. On se rend compte toujours trop tard qu’on a été heureux. Des photos sur un album de famille en fournissent une image fugitive, mais le bonheur s’est déjà enfui ; lorsqu’on croit l’appréhender il s’est déjà enfui.
Dans le métro, un homme déjà âgé lit son journal, ou du moins se protège de la promiscuité par la bulle formée par les pages ouvertes du quotidien. Une jeune fille le regarde et lui sourit. Il est ému, voici longtemps qu’il a cessé de séduire. Il se sent rajeunir, il a envie d’aborder la belle, mais voici qu’elle lui parle : voulez-vous ma place, Monsieur ?
Un reporter de Radio Bleu Judée rend compte en direct de la naissance (la « nativité » dit la maman, un brin pédante) d’un bébé dans une étable de Bethléem, entre un bœuf et un âne. Quelle chance, le petit a une place en crèche dès avant sa naissance ! Il est d’une famille recomposée avec deux pères, Joseph et Dieu, ce dernier étant très absent. Marie, la maman, accouche d’une petite fille…
François Morel cultive l’humour, l’imagination et la poésie. Il parle, il joue, il chante, il danse, il fait la moue. La mise en scène de Lionel Ménard, à base de piano sans pianiste, d’objets usuels et d’images vidéo, contribue à donner au spectacle une dimension onirique. On en ressort avec un sentiment de bien-être et aussi avec quelques mots de plus dans le vocabulaire de l’âge et du vieillissement.