« Elle s’en va », film d’Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve dans le rôle principal est une jolie parabole sur la famille et le vieillissement aujourd’hui.
Bettie (Catherine Deneuve) gère un restaurant dans un village proche de Concarneau. Sa vie est compliquée. La coexistence avec sa mère qui gère la caisse du restaurant et chez qui elle est revenue vivre à la mort de son mari est difficile. Le restaurant est au bord de la faillite. Ses relations avec sa fille Muriel (bien interprétée par la chanteuse Camille) sont détestables. Et elle vient de se faire larguer par son amant.
Alors un jour Bettie sort du restaurant pour acheter un paquet de cigarettes. Elle s’en va et ne revient pas. Un paysan lui propose de lui rouler une cigarette, mais cette opération réalisée au bout de gros doigts ankylosés prend un temps infini. Un dimanche après-midi, on ne peut trouver de cigarettes qu’à la boîte de nuit du coin : Bettie est adoptée par un groupe de dragueuses et, ivre morte, finit dans le lit d’un jeune homme.
Bettie est lancée dans une trajectoire erratique. Surprise par la pluie le soir à proximité d’un magasin d’ameublement, elle trouve grâce au veilleur de nuit un asile provisoire dans les meubles d’exposition et, armée d’un coca, lui raconte les circonstances burlesques de la mort de son mari. Mais sa fuite prend soudain une direction. Muriel lui demande de prendre en charge son fils Charly et de le conduire chez son grand-père.
La relation entre Bettie et Charly (personnage magnifiquement interprété par le jeune Nemo Schiffman) est orageuse. Celle entre le grand-père (Gérard Garouste) et Bettie ne l’est pas moins. Mais la famille déchirée, marquée par l’échec électoral, l’échec professionnel et l’échec amoureux se retrouve, apaisée, à partager un barbecue dans le jardin d’une maison à la campagne.
« Elle s’en va » parle de la famille comme elle va aujourd’hui, marquée par les séparations, les déchirements et parfois la précarité. Mais, dans le personnage de Bettie, il regarde aussi un phénomène de plus en plus prégnant dans notre société : le vieillissement.
Emmanuelle Bercot n’est pas tendre avec Deneuve. Elle la montre le visage déformé par le chagrin et l’angoisse, les membres lourds et gonflés par les années. Bettie arrive dans la dernière phase de sa vie frustrée, marquée par l’échec, malheureuse. Mais malgré ses presque soixante dix ans, elle croit malgré tout qu’elle peut trouver un autre homme, qu’elle peut renouer les fils avec Muriel, qu’elle peut rattraper avec Charly les années perdues, lorsque le restaurant et ses histoires de cœur oblitéraient sa famille. En ce sens, « Elle s’en va » est une jolie parabole sur les sexagénaires et septuagénaires d’aujourd’hui : il y a cinquante ans, on les aurait considérés comme des vieillards au bord de la tombe. En 2013, ils se construisent un avenir avec les dents.
Un bel exemple de famille recomposée. Le plus sage et le plus réaliste est le petit garçon, Charly.