Profitant de la présence au pouvoir du Parti Populaire, la Conférence Épiscopale espagnole entend obtenir une restriction du droit à l’avortement, conforter l’enseignement religieux dans l’école publique et faire interdire le mariage homosexuel.
Le projet de loi sur l’avortement a été approuvé par le gouvernement de Mariano Rajoy et devrait être débattu au Parlement en février. La loi, si elle était votée telle quelle, abrogerait la loi libérale votée en 2010, qui donnait aux femmes la liberté de décider de se faire avorter dans un certain délai de grossesse. Elle serait même plus restrictive que la loi de 1985. L’avortement ne serait possible qu’en cas de viol jusqu’à la douzième semaine de grossesse et, en cas de péril grave pour la santé physique ou psychologique de la mère constatée par deux médecins, et après un délai de réflexion, jusqu’à la vingt-deuxième. L’avortement pour malformation du fœtus serait un crime.
En matière d’école, la réforme éducative récemment votée élimine une matière d’Education à la Citoyenneté, contestée par les évêques. Elle oblige les élèves qui ne souhaitent pas assister à des cours de Religion à suivre des cours de Valeurs Culturelles et Sociales dans le primaire et de Valeurs Ethiques dans le secondaire. Ces matières, comme les cours de religion, comptent dans la moyenne générale et font partie du dossier scolaire pour obtenir des bourses ou être admis dans une école. L’Episcopat espagnol espère que cette loi enrayera la tendance à la désertion des cours de religion.
Enfin, l’Episcopat souhaite ardemment l’abrogation de la loi, votée sous le gouvernement Zapatero, autorisant le mariage homosexuel. Le gouvernement Rajoy ne semble pas prêt à s’engager sur cette voie, pour le moment.
Sous le pape François comme sous les papes Benoît et Jean-Paul, la Conférence Épiscopale espagnole s’estime dépositaire d’une loi divine supérieure aux lois humaines. Elle considère de son devoir de faire pression au Parlement pour changer la législation. Elle défend bec et ongles son emprise sur l’éducation, y compris dans l’école publique. L’idée de laïcité l’incommode.
La Conférence Épiscopale représente une force en Espagne, avec ses écoles, ses hôpitaux, sa radio. Mais elle ne représente pas toute l’Eglise. Des voix dissonantes se font entendre au sein du clergé en Catalogne et au Pays Basque, mais aussi, parmi des chrétiens de base, dans l’ensemble du pays.
Le rôle des politiques n’est pas d’imposer ce qu’ils considèrent comme le « bien » mais de trouver hic et nunc un compromis entre deux mauvaises solutions et de choisir la moins mauvaise.
Pour moi, l’avortement est une mauvaise solution, en particulier pour la mère physiquement et moralement traumatisée. Mais l’interdire est une solution pire: recours à des « faiseuses d’anges », inégalité entre celles qui peuvent avorter à l’étranger et les autres, accidents mortels, difficultés de vie. La « meilleure » solution est une régulation par les pouvoirs publics accompagnée d’un effort accru en faveur du contrôle des naissances.
Non seulement, l’église catholique veut imposer « son bien » et dicter la loi mais elle refuse le contrôle des naissances
Je suis bien d’accord avec Pierre-Yves sur le (difficile) rôle des politiques. Je partage aussi son opinion sur l’avortement, sujet délicat et douloureux (la frontière entre avortement thérapeutique et avortement- instrument de contrôle des naissances (voire « de confort ») est souvent difficile à tracer.
Je diverge un peu sur le reproche qui est fait à l’Eglise catholique de chercher à « imposer » « sa » loi. D’abord, c’est le rôle de chaque groupe de pression de chercher à faire passer ses idées dans les faits. On ne reproche pas aux pro-avortement d’exercer leur pression dans le sens inverse. Et puis, ce n’est pas « sa » loi, c’est une proposition. Le peuple décidera (en démocratie). Alors, quelle qu’elle soit, la loi sera la loi pour tous