« Landes », premier long-métrage de François Xavier Vives, constitue un magnifique hommage à la région côtière qui s’étend de Soulac à Hossegor. Il raconte aussi le destin d’une femme libre, incarnée à l’écran par Marie Gillain.
Le générique du film constitue en soi une œuvre d’art. La caméra explore la pinède, les troncs longilignes qui grimpent jusqu’au ciel, leur crête qui capte et difracte la lumière. Le nom des acteurs est écrit selon un graphisme qui évoque cette forêt d’allumettes. De lumière et d’allumettes il sera d’ailleurs question plus tard.
A la verticalité de la forêt, s’oppose l’immense espace horizontal de l’océan. Entre les deux, la dune, exposant au soleil doré ses courbes féminines. Une région de grands espaces où l’on respire les embruns mêlés aux effluves végétales. Et aussi, dans les années 1920, une région traversée par d’intenses conflits sociaux. La plantation massive de pins maritimes dans la seconde moitié du siècle précédent a permis le développement de l’industrie du bois (on vend au Royaume-Uni des charpentes pour étayer les mines) et de la résine.
D’immenses fortunes se sont constituées, dont celle des Delprat, qui exploitent 8.000 hectares. Les gemmeurs, qui saignent les pins pour en extraire la résine et sont aussi cultivateurs, vivent misérablement sous le régime du métayage. Les propriétaires exigent toujours plus de rendement : la concurrence portugaise et l’apparition de résines artificielles a fait chuter les cours. La révolte gronde, attisée par des révolutionnaires professionnels.
C’est dans ce contexte que Lia Desprat (Marie Gillain) hérite du domaine familial à la mort prématurée de son mari. Lia a une obsession : mener à bien le projet d’électrification des métairies élaboré par son mari, fasciné par les lumières de Manhattan. Il est facile de monter des poteaux électriques, en abattant et lisant des pins ; la main-d’œuvre est disponible, puisque les métayers sont corvéables à merci.
Lia va vite découvrir que l’électricité est loin d’être la priorité de ses métayers : elle ne nourrit pas leur famille. Elle va dès lors s’attaquer à la racine du mal, réviser le contrat qui la lie, en tant que propriétaire, aux gens qui travaillent pour elle. Ce faisant, elle va se trouver au cœur de conflits violents, entre les travailleurs en révolte et les propriétaires qui considèrent suicidaires ses volontés de réforme. En particulier, elle se trouvera en butte à l’hostilité irréductible de sa tante, la terrible Mme Hector (Rosalia Cuevas), prête à aller jusqu’à l’incendie et au meurtre pour bloquer toute évolution.
Il y a dans le film une belle et tragique histoire d’amour entre Lia et son régisseur Iban (Julil Despert) au-delà des barrières de classe ; la difficile coexistence entre Lia et une nièce d’une dizaine d’années en pleine rébellion ; la réconciliation par des promenades à bicyclette sous la futaie et finalement la promesse d’un voyage à Manhattan, au-delà des landes et de l’océan.
Le blog « Diacritiques » a établi un intéressant parallèle entre ce film et le dernier roman de François Mauriac, « un adolescent d’autrefois », qui se déroule en 1907 dans la même région et le même milieu social que le film de François Xavier Vives.