Garibaldi s’est emparé de la Sicile à la tête des « Mille » en 1860, il y a juste cent cinquante ans. C’est l’occasion de revoir le chef-d’œuvre de Luchino Visconti, Le Guépard (1963).
La première scène du film se déroule dans la chapelle du palais des Salina. Affolée par le débarquement des Chemises Rouges à Marsala, la famille se réfugie dans la prière. Il y a toutefois un mouton noir, Tancrède (joué par Alain Delon). Jeune homme fougueux et ambitieux, il a décidé de rejoindre la sédition : après tout, le commanditaire de la révolte contre le roi de Naples est un autre roi, celui de Savoie. Il faut que tout change pour que rien ne change, dit-il à son oncle, le Prince Salina (Burt Lancaster). Celui-ci accepte le pari et mise sur son neveu.
Le Prince Fabrizio Salina est aristocrate jusqu’au bout des ongles. C’est aussi un stratège. Pour que Tancrède réussisse dans le contexte de l’Italie piémontaise, il lui faut de l’argent. Fabrizio organise son mariage avec Angelica (Claudia Cardinale), la fille du maire du bourg où la famille Salina prend ses quartiers d’été. Don Calogero Sedara est influent et riche. L’ambition cynique et débridée de Tancrède associée à la fortune et aux réseaux de Don Calogero devraient maintenir la famille Salina à flot pendant quelques dizaines d’années.
Fabrizio est d’un pessimisme radical. Il ne voit pas de changement possible pour la Sicile : dans cette terre traversée au cours de l’histoire par des envahisseurs, écrasée par un climat rude, les gens ont la nonchalance d’esthètes convaincus de leur supériorité. Il se bat pour le seul objectif qu’il sait pouvoir réaliser, la survie de sa dynastie. Mais il sait qu’à sa génération, celle les lions et des guépards, succèdera celle des hyènes et des chacals.
Le bal donné à l’occasion des fiançailles de Tancrède et Angelica est une apothéose pour Fabrizio, qui a donné corps à son projet et mis sur orbite l’alliance des Salina et des Sedara. C’est aussi le moment où il voit clairement sa mort approcher. Noble dans le fond du cœur, il la toise sans crainte.
Photo du film « Le Guépard » : la valse du Prince Salina et Angelica.
Le film, magnifique, doit inciter à lire de roman de Lampedusa, pur chef-d’œuvre : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change »…