Dans « Io sono il Libanese » (Einaudi, 2012, traduit en français sous le titre « je suis le Libanais »), Giancarlo de Cataldo raconte les débuts d’un futur patron de la pègre à Rome.
Giancarlo de Cataldo est juge d’affaires criminelles à Rome. Il est aussi l’auteur de polars fondés sur la réalité historique du crime en Italie, dont le plus célèbre est « Romanzo criminale », publié en 2002, qui raconte la vie de la Magliana, une bande de truands à Rome entre 1978 et 1992. « Je suis le Libanais » remonte au début des années 1970 et se polarise sur le futur boss de la bande, surnommé Le Libanais.
Le Libanais est un enfant des rues devenu petit délinquant, leader d’une toute petite troupe disparate et plutôt minable. Un séjour en prison le met en contact avec un boss de la Camorra napolitaine. Il se prend soudain à se rêver comme le roi de Rome, le roi de la Rome de la pègre.
Le hasard lui fait rencontrer Giada, une jeune étudiante issue de la haute bourgeoisie, en révolte contre son milieu et militante gauchiste. Il pense pouvoir utiliser Giada pour pomper de l’argent aux gens friqués qu’elle fréquente ; Giada est émoustillée à l’idée de vivre avec un vrai prolétaire, comme on n’en fait plus. Malgré cette équivoque initiale, ils finissent par tomber vraiment amoureux l’un de l’autre. Pour Le Libanais, Giada est du côté des dieux, pas des hommes ; pour Giada, révolutionnaires et prolétaires sont objectivement du même côté dans la lutte des classes.
Le Libanais finit par en convenir : « au fond, elle n’avait pas tort quand elle disait qu’eux deux étaient du même côté. Il y avait vraiment quelque chose de commun. Ils avaient honte l’un et l’autre. Lui, de ne rien avoir, elle de tout avoir. »
Le Libanais embarque son équipe dans un projet commun avec la Camorra qui devrait lui rapporter des millions de lires ; mais il faut d’abord mettre sur la table quelques centaines de mille. L’équipe sort bredouille d’un enlèvement, la victime s’avérant insolvable ; elle trouve la caisse d’une banque qu’elle vient de braquer vide, car les transporteurs de fonds viennent de passer…
Le Libanais se trouve face à un choix : faire sa vie avec Giada, qui s’est rangée et peut lui trouver du travail, ou poursuivre son rêve de devenir Roi de Rome.
« Je suis le Libanais » est un récit bien enlevé. La description de la psychologie du Libanais, tiraillé entre sa soif de revanche sociale et son amour pour une fille d’un milieu inaccessible est pénétrante. L’évocation de l’Italie des années 1970 est proche de la réalité historique. Et on trouve dans le livre des passages truculents, comme celui où, sur les instances de Giada, le Libanais l’invite à dîner avec son équipe de pieds nickelés et leurs compagnes prostituées assumées, au grand désarroi de celle qui partage sa vie.