Kairouan est la quatrième ville sainte de l’Islam après La Mecque, Médine et Jérusalem. Elle fut au neuvième siècle la capitale de l’empire aghlabide. Aujourd’hui, elle enchante le visiteur.
Lorsque nous visitons Kairouan (القيروان), la ville est presque vide de touristes. Le début juin n’est certes pas de haute saison. Mais on s’attendrait à ce que des groupes de retraités profitent d’un climat déjà chaud et des bijoux architecturaux que recèle cette ville. Ce n’est pas le cas. Les touristes, échaudés par la révolution du 14 janvier 2011 et l’élection d’un parlement majoritairement islamiste, ne sont pas encore revenus. Et lorsqu’ils reviennent, ils s’abstiennent de visiter une cité aussi fièrement religieuse.
Ils ont tort. Kairouan est une ville paisible, avec une médina (cité médiévale) presque endormie entre ses remparts, procurant dans ses rues tortueuses un peu de fraîcheur aux flâneurs qui osent s’y aventurer au milieu du jour.
La grande mosquée, dont le plan actuel remonte à la dynastie aghlabide, frappe à la fois par ses vastes dimensions et par l’équilibre de son architecture. Elle peut accueillir des foules énormes mais reste à dimension humaine. Dans la salle de prière et dans la galerie bordant la cour intérieure, une forêt de colonnes rompt la perspective et donne du dynamisme à l’édifice. Ces colonnes ont été souvent prélevées sur des sites archéologiques romains, rappelant ainsi involontairement la mosaïque de civilisations qui ont fait la Tunisie d’aujourd’hui.
On visite deux magnifiques zaouïas (mausolée et école religieuse) : celle d’Abou Dhama, un compagnon du prophète, dit « le barbier » car il conservait comme relique des poils de sa barbe ; et celle de Sidi Abid el Ghariani. La première est remarquable par ses céramiques, la seconde par ses plafonds en bois sculpté et en stuc.
Un monument émouvant est la « mosquée des trois portes » (mosquée Khayrun), qui date de 866. La façade en pierre ocre est ornée de calligraphie du Coran.
Dans le splendide palais du Gouverneur, à deux pas de la zaouïa de Sidi Abid el Ghariani, s’est installé un commerce de tapis : les vendeurs font honneur à leur redoutable réputation. Il faut ajouter qu’ils disposent d’un atout maître : des produits magnifiques et de grande qualité.
Pour les musulmans, Kairouan est considérée comme une ville sainte. On dit que celui qui vient sept fois à Kairouan est dispensé du pèlerinage à La Mecque. Mais il n’est pas besoin d’être musulman pour apprécier les monuments et l’art de vivre que cette religion a inspirés.
Les commerçants de Kairouan se désolent de la crise du tourisme. C’est le moment de visiter leur admirable cité.