La chaîne de télévision D8 a récemment diffusé « Inspecteur Lavardin », un classique de Claude Chabrol (1986) : un polar où s’effacent les frontières du bien et du mal.
L’inspecteur Lavardin (Jean Poiret) est appelé à enquêter sur la mort d’un écrivain catholique traditionnaliste, retrouvé mort sur une plage près de Dinan, nu et avec le mot « porc » écrit sur le dos. A sa surprise, la veuve du défunt est Hélène Mons (Bernadette Lafont), avec qui il a eu autrefois une relation. Hélène vit dans la grande maison familiale lugubre avec sa fille Véronique, née d’une précédente union, et son frère Claude (Jean-Claude Brialy).
Au lieu de résider à l’hôtel qu’on lui a réservé, Lavardin décide de loger chez les Mons. Grâce à ce choix, l’enquête avance vite. Claude, un original dont la passion est de peindre des yeux sur des sphères de verre, est en relation avec un dealer qui opère dans la boîte de nuit de Max Charnet (Jean-Luc Bideau), qui se flatte de relations haut placées qui le rendent intouchables. Raoul Mons, l’homme assassiné, se fournissait en prostituées auprès de Max ; il a été tué dans le studio que lui louait celui-ci.
Lavardin découvre qui a commis le crime et par qui l’assassin a été aidé. Le film pourrait s’arrêter là : les criminels démasqués sont arrêtés et feront valoir auprès de la Justice leurs circonstances atténuantes. Mais Lavardin hait Charnet, ses petites affaires crapuleuses et ses prétendues protections. Par le chantage, il obtient contre lui un faux témoignage selon lequel c’est lui, Charnet, qui aurait jeté le corps de Raoul sur la plage. Toutes les apparences sont contre lui, à commencer par la tache de sang sur le tapis du studio qu’il louait à Raoul. Coupable de nombreux méfaits mais innocent de ce meurtre, il sera certainement condamné pour celui-ci.
Lavardin peut se dire qu’il a chargé une vraie crapule et libéré Hélène d’une sale histoire. Mais en logeant chez l’homme assassiné, en achetant un faux témoignage et en livrant à la justice et à la vindicte de la presse un homme qui n’a pas commis le crime, il enfreint la déontologie professionnelle et commet une faute morale.
Ce qui rend remarquable le film de Claude Chabrol, c’est précisément l’effacement de l’idée de faute morale. Dans l’huis-clos étouffant de la famille Mons, il n’y a ni bien, ni mal. L’écrivain catholique est un violeur. La jeune fille modèle mène deux vies, diurne et nocturne. Il n’existe que des fantômes et des vivants qui, tant bien que mal, s’efforcent de survivre.