À la plage

Un beau dimanche ensoleillé fin juillet à Carcans Maubuisson, la plage se peuple d’une foule de gens venus prendre un bain de mer et de soleil.

 Carcans Maubuisson est à une soixantaine de kilomètres de Bordeaux. En juillet, lorsqu’il fait grand soleil, des milliers de Bordelais venus en voiture ou en autocar se joignent à la masse déjà compacte des vacanciers en camping, en résidences de tourisme ou en locations. Le pic de fréquentation est atteint vers 17h. Lorsque la marée est haute et la bande de sable restreinte, l’espace disponible pour chaque unité familiale se résume à quelques mètres carrés.

A Carcans Plage le 27 juillet 2014
A Carcans Plage le 27 juillet 2014

Il y a quelque chose d’intriguant à voir tant de personnes s’entasser sur le sable, alors qu’on s’attendrait à les voir fuir la cohue citadine et chercher le calme et la solitude. C’est que la plage a des vertus.

 La promiscuité a une finalité pratique : comme la baignade est dangereuse et n’est autorisée que sur quelques dizaines de mètres de plage dûment surveillés, on cherche à déposer sa serviette aussi près que possible des maîtres nageurs. Mais c’est loin d’être la principale raison qui nous incite à partager ainsi notre espace vital.

 La plage est l’un des seuls endroits où l’on a l’illusion de vivre dans une société égalitaire. On peut parler d’illusion : la bourgeoisie fréquente des plages plus huppées, ou bien préfère d’autres « plages horaires » que l’heure d’affluence. Mais celui qui pose sa serviette sur le sable a le sentiment d’être l’égal des autres poseurs de serviettes. La quasi-nudité abolit les différences. La plage est pluri-générationnelle : les gens très âgés côtoient des petits enfants, des groupes d’ados et de jeunes adultes. La plage est internationale : on y entend parler français, bien sûr, mais aussi allemand, anglais, plusieurs langues d’Europe du nord, espagnol, italien… La plage est multiculturelle : il y a ceux qui lisent des polars ou de la littérature, ceux qui font des mots croisés, ceux qui consultent leur smartphone, ceux qui ne font rien d’autre que bronzer, mais le seul espace réservé est pour les joueurs de volley-ball, pas pour les forts en thème.

 La plage est un lieu où l’on regarde et où l’on se montre. On cherche à mettre en valeur son corps, même flétri par l’âge. On choisit des maillots de bain pour leurs formes et leurs couleurs, on étale des serviettes qui disent quelque chose du pays d’où l’on vient ou de ceux qu’on a visités. On regarde avec délectation, bien que discrètement, les jolies filles (ou les jolis garçons) qui font admirer leur ligne, leur bronzage ou l’harmonie de leurs mouvements.

 On sort d’une journée de plage épuisé, brûlé par le soleil, tanné par le sel marin, navré peut-être par la perspective de gigantesques embouteillages. On est vidé, vidé de forces, mais aussi vidé de toutes ces choses qui nous agressent : Gaza, les avions qui crashent, la croissance qui ne repart pas, les ennuis professionnels, les conflits personnels. Pour quelques heures, on a vécu dans une communauté de baigneurs où n’existaient plus que le soleil, les vagues, le piquenique que l’on partage ou les chichis que l’on achète au marchand ambulant, les pâtés de sable, le corps brûlant plongé dans la mer et délicieusement séché, allongé craquelant de sel, parmi les gens que l’on aime.

A Carcans Plage, un parking de bicyclettes
A Carcans Plage, un parking de bicyclettes

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