Arte TV a récemment diffusé le film « le goût des autres », d’Agnès Jaoui (2000), qui parle de barrières sociales, d’amour et d’émotion artistique.
Le « goût des autres », c’est ce que des personnes n’appartenant pas au même monde que soi jugent de bon ton, harmonieux, plaisant. Castella (Jean-Pierre Bacri), chef d’entreprise autodidacte, vit sous l’emprise de sa femme Angélique (Christiane Millet), décoratrice d’intérieur à ses jours perdus. Sa maison est une véritable bonbonnière, un cocon aseptisé. Lorsqu’à son corps défendant, il assiste à une représentation de Bérénice dont sa professeure d’anglais tient le rôle principal, c’est un choc émotionnel. Lorsque, par elle, il côtoie un milieu d’artiste et découvre la peinture d’aujourd’hui, c’est un courant d’air qui balaie son univers intérieur.
Le « goût des autres », c’est aussi l’intérêt que l’on porte à autrui, pas seulement celui qui nous ressemble, mais aussi celui ou celle qui appartient à un monde différent. C’est ce qui arrive à Castella. Quand il tombe amoureux de Clara (Anne Alvaro), professeure d’anglais mais surtout comédienne, sa prison dorée s’ouvre soudain. Il se faufile dans le milieu d’artistes que fréquente Clara, dont le point d’attache est le bar de Manie (Agnès Jaoui). Son inculture est tournée en dérision. Clara tarde à reconnaître dans cet homme riche mais déboussolé un possible partenaire pour la vie.
Les barrières sociales vont de pair avec le mépris. Castella se sent méprisé par Clara. Il se sent aussi méprisé par Weber (Xavier de Guillebon), le jeune polytechnicien venu l’aider à mettre de l’ordre dans l’entreprise et gagner un grand contrat iranien. On peut rester indéfiniment séparés par le gouffre du mépris. Castella a le courage de quitter sa position de patron, de parler et de dire « je me sens méprisé et j’en souffre ».
Le film d’Agnès Jaoui rend hommage à l’obstination. Parce que Castella ne baisse pas les bras, une histoire pourra commencer avec Clara, malgré le fossé qui les sépare. Parce que son chauffeur Bruno Deschamps (Alain Chabat) ne se décourage pas dans l’apprentissage de la flûte traversière, il intègrera un petit orchestre. Au contraire, Franck Moreno (Gérard Lanvin), garde du corps obscur, triste et désabusé, ne sera pas assez patient pour conquérir le cœur de la belle Manie.