Avoir peur en prison

 

La peur est consubstantielle à l’expérience de la prison.

 Dès les premières heures, dans cet univers hostile, peur des cris et des bruits de serrures, peur de l’odeur de détergents, peur de ce qui va m’arriver.

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Peur de ce que mes proches vont penser de moi, de ce qu’ils vont devenir sans moi.

 Peur d’être pris pour un faible, ou pour un pédé, et peur de la spirale infernale que cela déclenchera. Peur des insultes en promenade, du tambourinage sur les grilles à mon passage, peur qu’on me confisque mes cachets, peur qu’on me tabasse.

 Peur d’avoir honte, que mes fils me prennent pour un lâche, que se détruise l’image qu’ils se faisaient de leur père.

 Peur que mes enfants ne répondent pas à mes lettres, peur qu’ils se détournent à jamais de moi. Peur que, livrés à eux-mêmes, ils commettent eux aussi des bêtises.

 Peur de mon codétenu, de sa violence, de sa crasse, de son tabac, de son silence ou de sa diarrhée verbale, de l’imposition des programmes de télévision qui lui plaisent à lui mais m’exaspèrent, du téléphone portable qu’il a dissimulé et peut me valoir le mitard.

 Peur de rencontrer mon avocat, peur qu’il ne vienne pas.

 Peur de l’huissier, qui s’introduit en prison pour me demander des sommes que je ne peux payer.

 Peur de la dépression qui me ronge, de mon manque d’appétit, de la nuit qui s’annonce sans sommeil.

 Peur de l’instruction de mon procès, peur de ce qui va s’y passer. Peur d’être confronté à mes victimes, peur de ce que les témoignages révèleront de moi.

 Peur d’être seul, complètement seul.

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