Réalisé par Olivier Assayas, « Sils Maria » prend le spectateur à témoin des déchirements d’une actrice entrée dans la seconde partie de sa vie et bousculée par de plus jeunes.
Maria Enders (Juliette Binoche) est une actrice d’une cinquantaine d’années dont la carrière fut lancée par « le serpent de Maloja », une pièce de théâtre écrite par un dramaturge suisse. En hommage à l’auteur disparu, elle accepte de jouer de nouveau la pièce. Mais au lieu d’être Sigrid, la stagiaire ambitieuse qu’elle avait autrefois incarnée, elle sera Helena, la chef d’entreprise subjuguée par la jeune femme et finalement réduite au suicide.
Pour répéter son texte, Maria s’isole avec son assistante Valentine (Kristen Stewart) dans le chalet de l’auteur à Sils Maria, qui avait été la villégiature de Nietzsche. Un phénomène curieux se produit dans la vallée de Maloja, à proximité du village : une sorte de serpent de nuages se forme et descend le long des lacs glaciaires. Une sorte d’allégorie de la vie qui passe, fluide, insaisissable, à jamais enfuie.
Valentine est une assistance efficace qui gère à merveille l’agenda de Maria, lui donne la réplique pour la mémorisation de son texte et lui apporte son soutien dans des moments de doute. Car Maria est fragilisée par sa procédure de divorce et par ses rides. La parfaite collaboration avec Valentine prend peu à peu la tournure d’une rivalité entre les deux femmes, celle qui se trouve au faîte de la gloire et celle qui peut encore tout attendre de la vie.
À cette rivalité se superpose celle qui bientôt oppose l’ancienne Sigrid – Maria, maintenant dans le rôle d’Helena – et la nouvelle, la jeune Jo Ann Ellis (Chloë Grace Moretz). Au départ, la cadette vénère son aînée, et celle-ci dédaigne la jeune actrice vouée aux films intergalactiques à grand spectacle, droguée aux substances et à la célébrité. Peu à peu, l’inexorable grignotage d’Helena par Sigrid trouve son pendant dans l’affirmation de Jo Ann aux dépens de Maria.
Le film souffre de longueurs et d’un manque d’unité de l’intrigue : on s’attend par exemple à ce que la relation entre Maria et Valentine rebondisse à la fin du film, lorsque se joue à Londres « le serpent de Maloja », mais rien de tel ne se passe. Il s’agit pourtant d’une œuvre remarquable grâce au talent des trois actrices : Juliette Binoche, magnifique dans le rôle d’une femme vieillissante et blessée ; Kristen Stewart, tout en énergie contenue ; Chloë Grace Moretz, déconcertante dans son mélange d’ingénuité et de morgue.