L’obligation du travail en prison, vraie démagogie et fausse solution

La proposition de loi du Député UMP Jean-François Mancel visant à rendre obligatoire le travail en prison semble attrayante. Elle relève en réalité de la démagogie.

Déposée sur le bureau de l’Assemblée Nationale le 17 septembre 2014, le projet de loi est ainsi rédigé : « Les personnes régulièrement détenues après condamnation par un tribunal compétent ont l’obligation d’effectuer un travail. Les revenus générés par leur activité seront affectés en priorité à l’indemnisation de la victime ou des victimes de l’infraction pour laquelle elles ont été condamnées, puis au remboursement des frais engendrés par leur incarcération. »

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Ses motivations sont les suivantes : « Force est de constater que la charge financière que font peser les détenus sur les finances publiques de notre pays devient considérable. En effet, c’est près de 69 000 personnes qui sont aujourd’hui incarcérées dans les prisons françaises, ce qui représente un coût de moyen de 32 000 euros annuels par détenu. En 2012, le budget de l’administration pénitentiaire s’élevait à 2,39 milliards d’euros soit la moitié du budget du ministère de la justice.

« Or, il n’est pas acceptable que les dépenses consacrées aux détenus soient intégralement financées par les contribuables, alors que ces derniers ont été appelés à réaliser des efforts supplémentaires ces dernières années.

« Dès lors, il est nécessaire de demander aux détenus qu’ils participent aux frais de leur incarcération, ce qui semble être la moindre des choses puisque leur situation ne résulte que d’un comportement répréhensible sanctionné par les juridictions françaises au nom du peuple français. Cette participation se fera par une obligation au travail en détention, la rémunération de ce travail étant affectée directement à l’administration pénitentiaire. Ledit travail pourra se faire soit au sein de l’établissement dans lequel le détenu purge sa peine, soit à l’extérieur, sous la surveillance d’agents de l’administration pénitentiaire. »

Le droit au travail

Rappelons la situation du travail en prison. La réglementation précise qu’au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions doivent être prises pour assurer une activité professionnelle aux personnes qui en font la demande. Ce travail est effectué soit dans le cadre des services internes aux établissements (cuisine, entretien etc.) soit pour le compte d’entreprises extérieures dont l’intérêt est de bénéficier d’un faible coût de main d’œuvre.

Aucun contrat de travail n’est rédigé, le salaire est inférieur au SMIC, les détenus employés ne cotisent pas à l’assurance chômage et n’en bénéficient pas, l’inspection du travail n’est pas compétente et le droit syndical n’est pas reconnu. De 20 à 25 % du salaire est retenu au profit des parties civiles et 10 % est retenu à titre de pécule en vue de la sortie de prison.

Malgré ces limitations, la majorité des détenus souhaitent travailler, ne serait-ce que parce qu’un revenu leur est nécessaire pour « cantiner ». Beaucoup n’ont pas cette opportunité.

En ce sens, la proposition de loi du Député Mancel pourrait sembler attrayante : une véritable obligation serait faite à l’administration de procurer du travail aux détenus, en contrepartie de l’obligation des détenus de travailler.

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Une proposition démagogique

En réalité, la proposition de rendre le travail obligatoire s’apparente à la restauration du bagne. Les services généraux des prisons étant déjà pourvus en main d’œuvre captive et les entreprises contractantes ne pouvant offrir de l’emploi à tous les prisonniers, les postes de travail à créer seraient soit dans le secteur privé à rémunération minimale, soit d’intérêt général sans rémunération.

La proposition de loi changerait la situation des personnes occupant des postes existants. Le système actuel est fondée sur un salaire auquel on applique des retenues : cotisations sociales (assurance chômage exceptée), retenue pour parties civiles et pécule de sortie. On renverserait les priorités : le détenu ne toucherait que ce qui reste après l’indemnisation des victimes et une contribution aux frais d’incarcération. Dans la plupart des cas, il ne percevrait rien et travaillerait gratuitement sous un statut qu’on pourrait caractériser d’esclavage pénal.

La proposition de loi du député Jean-François Mancel s’inscrit dans la droite ligne d’une idéologie rétrograde d’essence manichéenne. La société est partagée entre les gentils et les méchants. Il faut protéger les premiers des seconds en enfermant ceux-ci le plus longtemps possible. Leur détention doit les faire souffrir, pour qu’ils expient leurs crimes. Elle doit servir en priorité à l’indemnisation des victimes . L’enfermement des méchants doit coûter le moins cher possible aux gentils.

L’idée que la peine doive donner aux condamnés l’opportunité de se remettre sur pied et de construire une vie saine est jugée par ce courant de pensée comme une utopie dangereuse et coûteuse. Ce pessimisme sur la capacité des humains à s’amender est profondément triste.

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