Dans Le Monde du 11 octobre, Anne Chemin évoque le projet du photographe américain Marc Asnin de réaliser un livre participatif contre la peine de mort.
Marc Asnin, dit Anne Chemin, réunira les déclarations prononcées par des condamnés avant leur exécution. Certains s’excusent, d’autres clament leur innocence, beaucoup font le procès de la peine capitale avec une grande lucidité.
L’un d’eux est Napoleon Beazley, reconnu coupable du meurtre de John E. Luttig, 63 ans, en 1987. Il fut exécuté le 28 mai 2002. Voici un extrait de la déclaration qu’il fit au micro de la chambre d’exécution, lié sur une civière les bras en croix. Voici un extrait de son « final statement », sa dernière déclaration.
« L’acte qui m’a amené ici n’était pas seulement haineux, il était dénué de sens. Mais la personne qui a commis cet acte n’est plus ici – je suis là, à sa place. Je ne vais pas me battre physiquement contre ces contraintes, je ne vais pas crier, jurer ou proférer de vaines menaces. Comprenez, malgré tout, que je suis non seulement bouleversé, mais attristé par ce qui est en train d’arriver ce soir. Je ne suis pas seulement attristé mais déçu qu’un système qui est censé protéger et défendre ce qui est juste et bon puisse autant ressembler à l’homme que j’étais quand j’ai commis cette honteuse erreur. Si quelqu’un essayait d’éliminer tous ceux, présents ici, pour avoir participé à ce meurtre, je crierais un non retentissant. Je leur dirai de leur accorder la chance qu’ils ne veulent pas me donner, c’est-à-dire leur donner une seconde chance (…)
Il y a beaucoup d’hommes comme moi dans le couloir de la mort – des hommes bons qui ont succombé à des émotions erronées, mais qui n’ont pas guéri comme je l’ai fait. Donnez à ces hommes une chance de faire ce qui est juste. Donnez-leur une chance de se racheter. Beaucoup, parmi eux, voudraient réparer le désordre qu’ils ont causé mais ils ne savent pas comment faire. Le problème, ce n’est pas que les gens ne veulent pas s’en sortir, c’est que le système leur dit que de toute façon cela ne change rien. Ce soir, personne ne gagne. Personne n’a la paix. Personne ne sort victorieux. »