Dans « Mr Turner », le réalisateur Mike Leigh raconte les dernières années de la vie du plus célèbre des peintres anglais, Joseph Mallord William Turner (1775 – 1851).
Lorsque commence le film, Turner (Timothy Spall) a 54 ans. Il revient de l’un de ses nombreux voyages en Europe, en l’occurrence aux Pays-Bas où il est allé s’inspirer des paysages de canaux et de moulins. Son père, qui était devenu son assistant mais aussi le compagnon d’une vie recluse, décède. Cela le laisse dans un état de dépression et de profonde solitude.
William Turner est une contradiction vivante. C’est un être profondément asocial, qui bougonne sans arrêt, refuse à sa gouvernante (Dorothy Atkinson) le moindre mot de reconnaissance, considère ses filles comme des étrangères, accable de mépris un peintre qui mendie une aide financière, est l’objet de railleries de la part des peintres académiques. Client assidu des bordels, c’est un être profondément seul, muré dans une fêlure existentielle probablement imputable au naufrage de sa mère dans la folie.
Pourtant, cet ours mal léché recèle en lui-même un trésor : la lumière. Il n’a de cesse de voyager, d’observer, de griffonner, de saisir à l’aquarelle des impressions dont, retourné à son atelier, il fera une toile. Ses œuvres sont bouleversantes par leur tumulte ou leur inquiétante sérénité.
Timothy Spall a obtenu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes pour son interprétation. Il a su rendre palpable, tout au long des 2h40 que dure le film, l’insoutenable tension entre un être écorché vif, retranché du monde, et son œuvre brillante et géniale.
A près de soixante ans, Turner est ébloui par la beauté de Mrs Booth (Marion Bailey), qui elle-même discerne en lui un grand esprit et une profonde sensibilité. Elle l’accompagnera jusqu’à la fin de sa vie.
« Transhumances » a consacré d’autres articles sur Turner : « Venise peinte par Turner », et « The Painter« , une pièce de Rebecca Lenkiewicz qui s’intéresse à la jeunesse du peintre jusqu’au décès de son père, c’est-à-dire la période précédant celle couverte par le film de Leigh.
Une des meilleures scènes est l’exposition: les retouches faites au dernier moment, les jalousies entre peintres au touche à touche qui se jalousent, Turner qui semble massacrer sa toile par une balafre de peinture rouge…qu’il transforme en bouée.
Et Venise?