« Imitation Game », film de Morten Tyldum, raconte la vie d’Alan Turing, mathématicien anglais qui déchiffra les codes de l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale et créa pour cela une machine qu’on peut qualifier de premier ordinateur au monde.
Pendant la seconde guerre mondiale, l’armée britannique ouvrit à Blechtley (près de la ville nouvelle de Milton Keynes à une centaine de kilomètres de Londres sur la ligne de Birmingham), un centre destiné à capter et à déchiffrer les messages de l’armée allemande. Ceux-ci étaient encodés par une machine sophistiquée nommée Enigma. Conscient que seule une machine plus sophistiquée viendrait à bout de l’encodage, Alan Turing mit au point une machine électronique ancêtre de l’ordinateur. On estime que sa découverte et son exploitation par les services de renseignement a abrégé la guerre de deux ans et épargné plusieurs millions de vies humaines.
Alan Turing se suicida en 1954 à l’âge de 41 ans après avoir été condamné à la castration chimique et destitué de son poste de professeur pour « indécence », c’est-à-dire pour une pratique homosexuelle. En 2009, le premier ministre britannique Gordon Brown exprima les regrets de la nation britannique pour la monstruosité de cette condamnation, en particulier s’agissant d’un homme qu’on peut qualifier de héros de la guerre contre le nazisme. En 2013, Turing fut gracié à titre posthume par la Reine Elizabeth.
Le film de Morten Tyldum évoque le destin de Turing à trois périodes de sa vie : lorsque, lycéen de seize ans, surdoué harcelé par ses camarades, il se prend de passion pour le déchiffrage ; en 1951, quand un inspecteur de police l’interroge dans le cadre d’une enquête pour mœurs ; de 1941 à 1945 à Blechtley Park. Il donne à cette vie exceptionnelle un souffle épique et une dimension tragique.
Le spectateur assiste captivé à la lutte de Turing pour faire prévaloir son idée et obtenir le financement, en appelant directement à Churchill contre sa hiérarchie locale bornée ; à l’évolution de ses relations avec ses collègues décrypteurs, d’abord hostiles en raison de son arrogance et de sa brutalité, puis empreintes de vénération enthousiaste ; à la découverte de ce que certains messages allemands contenaient des formules invariables, telle le fameux « Heil Hitler ! » dont la répétition facilitait le travail des décrypteurs et de leur outil électronique ; et enfin la gestion du succès et, une fois connus les plans de bataille de la marine allemande, la décision de la laisser couler des bateaux pour ne pas révéler à l’ennemi que son système de codage était mis au jour.
Le rôle d’Alan Turing est joué par Benedict Cumberbacht. Il interprète un homme totalement anormal, à la limite de la schizophrénie, maladroit à l’excès dans sa relation aux autres, mais doté d’une volonté de fer et supérieurement intelligent, non seulement en mathématiques, mais dans la compréhension des enjeux stratégiques de son travail.
Le réalisateur introduit un second personnage clé, Joane Clarke (Keira Knightley), une mathématicienne géniale résolue à intégrer l’équipe des décrypteurs au mépris es préjugés sexistes. Joane est aussi brillante et décidée qu’Alan. Mais elle apporte à celui-ci le sens de la séduction, de la conviction et du travail d’équipe qui lui fait défaut. D’autres comédiens sont remarquables : Matthew Goode dans le rôle du principal adjoint de Turing, d’abord adversaire puis allié inconditionnel ; Mark Strong dans celui du patron des services secrets, qui n’hésite pas à berner le premier ministre lui-même pour faire aboutir sa stratégie de guerre ; Charles Danna, dans celui du commandant de Blechtley Park, qui dans sa vision étroite n’a qu’un objectif, éliminer l’insolent Turing.
Le cinéma anglais a produit deux biopics sur des scientifiques : « Une merveilleuse histoire du temps » consacrée à Stephen Hawkin et ce « Imitation game » autour d’Alan Turing. Ils sont l’un et l’autre de solides prétendants aux Oscars.