Adolphe

« Adolphe », roman publié par Benjamin Constant en 1816, raconte l’histoire tragique d’un couple dont la relation s’est construite sur une équivoque. Il faisait partie des livres recommandés par « La Grande Librairie » de France 5 pour les vacances d’été 2015.

 Adolphe est un fils de bonne famille envoyé par son père parfaire sa formation en Allemagne. La relation père – fils est compliquée, basée sur une double timidité : le fils voit le père comme un être froid et autoritaire ; le père aimerait que son fils lui manifeste davantage d’affection.

 

Adolphe 2002 real : Benoit Jacquot Isabelle Adjani Stanislas Merhar COLLECTION CHRISTOPHEL
Adolphe, film de Benoît Jacquot (2002) avec Isabelle Adjani et Stanislas Merhar

Le père d’Adolphe « avait pour principe qu’un jeune homme doit éviter avec soin de faire ce qu’on nomme une folie, c’est-à-dire de contracter un engagement durable avec une personne qui ne fût pas parfaitement son égale pour la fortune, la naissance et les avantages extérieurs ; mais du reste, toutes les femmes, aussi longtemps qu’il ne s’agissait pas de les épouser, lui paraissaient pouvoir, sans inconvénient, être prises, puis quittées ; et je l’avais vu sourire avec une sorte d’approbation à cette parodie d’un mot connu : « cela leur fait si peu de mal, et à nous tant de plaisir ! » »

 Conquérir n’est pas aimer

 C’est muni de ce principe qu’Adolphe, âgé de 22 ans, part à la conquête d’Ellénore, une belle femme d’environ dix ans son aînée. Ellénore, maîtresse d’un aristocrate dont elle a deux enfants, résiste puis cède. Elle quitte tout pour vivre avec Adolphe. Ils semblent vivre le parfait amour : « l’amour supplée aux longs souvenirs, par une sorte de magie. Toutes les autres affections ont besoin du passé ; l’amour crée, comme par enchantement, un passé dont il nous entoure. Il nous donne, pour ainsi dire, la conscience d’avoir vécu, durant des années, avec un être qui naguère nous était presque étranger. L’amour n’est qu’un point lumineux, et néanmoins il semble s’emparer du temps. Il y a peu de jours qu’il n’existait pas, bientôt il n’existera plus ; mais, tant qu’il existe, il répand sa clarté sur l’époque qui l’a précédé, comme sur celle qui doit le suivre. »

 Pourtant, Adolphe découvre bien vite qu’il n’aimait pas cette femme, mais la désirait comme une proie et un trophée : « Ellénore était sans doute un vif plaisir dans mon existence, mais elle n’était plus un but : elle était devenue un lien. » Adolphe est déchiré : son père lui enjoint d’épouser un bon parti et d’achever ses études ; lui-même brûle de retrouver son indépendance. Il faudrait rompre au plus vite avec Ellénore. Mais d’un autre côté, il se sent coupable de l’avoir entraînée dans la déchéance, il a pitié d’elle et il subit de sa part un chantage affectif permanent. « C’est un affreux malheur de n’être pas aimé quand on aime ; mais c’en est un bien grand d’être aimé avec passion quand on n’aime plus. »

 Rejeter dans le vague la nécessité d’agir

 Adolphe diffère sans cesse le moment de lui annoncer son départ, il rejette dans le vague la nécessité d’agir. Il est paralysé. C’est par d’autres qu’Ellénore apprendra sa décision de partir, et cela la plongera dans le désespoir et la mort. Adolphe se retrouve seul : « je n’espérais point mourir avec Ellénore ; j’allais vivre sans elle dans ce désert du monde, que j’avais souhaité tant de fois de traverser indépendant (…) Déjà l’isolement m’atteignait. »

 « Adolphe » est considéré comme le premier grand roman romantique. Il est en partie inspiré par la vie de son auteur, Benjamin Constant de Rebecque : comme l’Adolphe de son roman, il s’est trouvé orphelin de mère à sa naissance ; comme lui, il a vécu dans plusieurs pays européens ; comme lui, il a connu une vie affective tumultueuse, marquée par une longue relation avec Germaine de Staël et son mariage secret avec Charlotte de Hardenberg.

 Benjamin Constant avait vingt deux ans en 1789. Il joua un rôle politique important sous le Consulat, l’Empire et la Restauration, se posant sans cesse en défenseur de l’état de droit. Il publia de nombreux essais politiques. Une jolie formule éclaire sa philosophie : « les sots font de leur morale une masse compacte et indivisible, pour qu’elle se mêle le moins possible avec leurs actions et les laisse libres dans tous les détails. »

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Isabelle Adjani dans « Adolphe »

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