Jusqu’au 14 juillet, la Base sous-marine de Bordeaux présente une magnifique exposition sur son « jardin dévoilé ».
L’objet de l’exposition, ce sont les toits de la base sous-marine construite par l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale sur les bassins à flot de Bordeaux.
La nature y a repris ses droits. Portées par les vents de l’Atlantique, des semences de chênes, de figuiers, de frênes, de fougères, de ronciers, de saules ou d’orchidées sauvages ont pris racine dans les fissures et les meurtrissures de la couverture en béton de l’immense bâtisse militaire.
Cinq photographes, Sabine Delcour, Jean-Claude Princiaux, Anthony Rojo, François Sagnes et Zigor se sont attachés à mettre en image le conflit entre la finalité de la base sous-marine, structure d’acier et de ciment ordonnée à une machine de mort, et le vivant dans sa marche inexorable de conquête de l’espace. Ici, c’est une touffe de mousse accrochée à une fissure. Là, des branches d’arbres qui se distinguent à peine de tiges de fer rouillé torsadées par les ans. Ici encore, un figuier développe son ombrage à l’ombre de structures parallélipédiques en béton armé.
Ce sont leurs photographies qui sont accrochées sur le parcours de l’exposition. L’effet est puissant. On admire la puissance végétale, celle même que j’avais observée sur les pentes du Volcan de la Fournaise à La Réunion, permettant l’éclosion d’arbustes dans un désert de laves quelques mois seulement après une éruption. On se dit aussi que les jours du mastodonte militaire sont comptés : si la jungle prend racine sur sa voûte, sa dynamique finira par achever de réduire en miettes la fière carapace de béton armé.
On touche ici l’ambigüité de la base sous-marine de Bordeaux. C’est un lieu massif, insolent, le témoignage d’un passé violent qu’on voudrait oublier, qu’on aimerait voir submergé par une marée verte. Mais les entrailles du monstre, dans leur obscurité, incitent à la méditation sur le vivant et sur le beau…On voudrait tant que les plantes réduisent à néant la folie des hommes, mais on regretterait aussi la disparition d’un lieu devenu mystique à force d’être sombre.
C’est ce conflit intérieur qu’on ressent en admirant les photographies de l’exposition « jardin dévoilé ». Ajoutons toutefois que la fraîcheur du lieu rassérénère le visiteur venu de la fournaise du juillet bordelais.