« Une seconde mère », film de la réalisatrice brésilienne Anna Muylaert, croise les thèmes de la maternité et des frontières de classes sociales dans un Brésil en pleine mutation.
Val (Regina Casé) est depuis 15 ans bonne chez Don Carlos (Lourenço Mutarelli) et Dona Barbara (Karine Teles), un couple aisé de São Paulo. C’est pratiquement elle qui a élevé leur fils Fabrinho. C’est encore vers elle que, devenu adolescent, celui-ci se tourne pour consoler ses gros chagrins en se faisant caresser la tête.
Val vit dans une petite chambre chez Carlos et Barbara. Elle a confié sa fille Jessica (Camila Márdila) à une tante, loin de São Paulo. Voilà dix ans que Val et Jessica ne se sont pas parlé. Et voici que Val, qui présente le concours à une école d’architecture à São Paulo, débarque chez sa mère. Dès son arrivée, elle bouleverse les conventions qui structurent la vie de Val : elle s’attribue la chambre d’amis, s’assoit à la table des maîtres, plonge dans leur piscine, s’attribue la glace réservée au fils chéri, parle avec Don Carlos d’égal à égal.
Pour Val, sa fille est arrogante, ne sait pas tenir sa place en société. Devenue servante dans l’âme, elle a le sentiment que c’est sa propre place qui est en jeu, d’autant plus que Barbara a bien compris l’attirance de son mari pour l’affriolante jeune femme.
Jessica ne supporte pas la résignation de sa mère à son statut de citoyenne de seconde classe. Elle est forte, décidée à réussir dans la vie, à briser le plafond de verre qui sépare les domestiques des patrons. Mais elle cache une fragilité : pour réussir, elle a, comme sa mère, confié la garde de son tout jeune fils à la garde d’une autre…
La publicité présente « une seconde mère » comme « une comédie jubilatoire » ou encore « un feel good movie lumineux ». Il est vrai que l’humour n’est pas absent du film et que sa fin est heureuse, mais j’ai plutôt ressenti le tragique de la situation de Val, frustrée dans sa maternité comme dans sa dignité.
Anna Muylaert ne tombe pas dans les clichés : les maîtres sont polis avec la domestique, ils font semblant d’écouter ses préoccupations, acceptent que sa fille reste chez eux quelques jours ; mais cette civilité apparente camoufle une brutale domination.
La relation mère – fille est mise en scène avec une grande subtilité. Allociné raconte que Regina Casé et Camila Márdila ne se connaissaient pas avant le tournage. Anna Muylaert explique : « Je les ai installées de chaque côté d’un grand drap noir et je leur ai proposé de retracer ensemble les dix ans au cours desquelles Val n’a pas vu sa fille : une sorte de conversation imaginaire qui allait ensuite enrichir leurs personnages. J’avais écrit une trame qui servait de base à l’exercice, ensuite j’allais et venais entre elles deux leur demandant à chaque fois de réagir et de rebondir. À la fin de cette journée, quand j’ai enlevé le drap, elles sont tombées dans les bras l’une de l’autre. Leur complicité se retrouve à l’image ».