L’École de Nancy et son temps

Le musée des beaux-arts de Nancy présente jusqu’au 25 janvier une exposition intitulée « l’École de Nancy face aux questions politiques et sociales de son temps ».

 La visite du musée des beaux-arts de Nancy, place Stanislas, vaut la peine. Le musée occupe un bâtiment du dix-huitième siècle, et a fait l’objet de deux extensions, en 1936 et 1999. L’aile consacrée à l’art contemporain est particulièrement intéressante et bien agencée.

Jusqu’au 25 janvier, une exposition est consacrée à l’engagement social et politique de plusieurs des personnalités de l’École de Nancy, en particulier Émile Gallé, Victor Prouvé et Charles Keller.

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« L’École de Nancy, Alliance provinciale des industries de l’art » est l’une des premières associations créées sous le régime de la loi de 1901. Elle est présidée par l’industriel Émile Gallé, qui voit dans l’association « une sorte de syndicat des industriels d’art et des artistes décorateurs, qui s’efforce de constituer en province, pour la défense des intérêts industriels, ouvriers et commerciaux du pays, des milieux d’enseignement et de culture favorables à l’épanouissement des industriels d’art. »

L’École de Nancy est un fleuron de l’Art Nouveau. Si à Paris est associé Hector Guimard, à Barcelone Antoni Gaudi, à Bruxelles Victor Horta, c’est plusieurs créateurs qu’il faut associer à Nancy : Émile Gallé travaille le verre, le bois et la céramique, Antonin Daum le verre et la céramique, Jacques Gruber le verre, Louis Majorelle le bois, l’acier et le verre, Victor Prouvé est peintre et sculpteur.

Le livre « Émile Gallé et l’École de Nancy », de Christian Debize (Éditions Serpenoise, 1998) constitue un magnifique hommage à ces créateurs, tant par les illustrations, splendides, que par le texte, informatif. Tous font appel aux forces de la nature. La contribution spécifique de Gallé est de se référer à une « industrie de la nature », comprise à la fois comme le travail qu’accomplit la nature pour produire des formes vivantes, et comme le travail de l’homme pour que ces formes soient reproduites en grande quantité et à moindre coût.

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Extrait du livre « Emile Gallé et l’Ecole de Nancy ».

Gallé, Daum et Majorelle sont des industriels. Ils se distinguent en cela de la tradition « Arts and Craft » de William Morris, qui voulait revenir à l’avant-révolution industrielle, lorsque l’ouvrier était acteur de la création de l’objet produit. Ils se battent sur un marché concurrentiel sur le triple front de la qualité esthétique, de l’innovation technologique et de la réduction des coûts. Après la mort de Gallé, en 1904, son successeur Victor Prouvé réorientera le mouvement vers une tradition plus artisanale.

L’exposition au musée des beaux-arts de Nancy montre comment les pionniers de l’art nouveau ont été marqué par leur temps. Ils ont su tirer parti d’une conjoncture favorable : après la perte d’une partie de la Lorraine en 1870, Nancy est devenue une ville frontière, portée par la vague d’immigration de messins refusant d’être allemands. Une bonne partie de leur production aura une forte connotation patriotique, trouvant ainsi plus facilement son marché en France. Ils ont aussi pris position dans les grands débats agitant l’opinion : Émile Gallé fut un fervent dreyfusard, s’attirant l’hostilité des bien-pensants nancéens. Les membres de l’École de Nancy croyaient au progrès économique et social. Ils participèrent à la création de l’université populaire dont les locaux, construits en 1901 – 1902, furent ornés d’une sculpture de Victor Prouvé : « l’alliance du Travail et de la Pensée ».

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Extrait du livre « Emile Gallé et l’Ecole de Nancy ». Dessins de Jean Jaurès, tribun, par Victor Prouvé.

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