Selon une récente enquête d’opinion, les Français sont les champions du monde du pessimisme. Les Nigérians, au contraire, regorgent d’optimisme.
Humeur ténébreuse en France…
Le Monde du 4 janvier a mentionné les résultats d’un sondage d’opinion réalisé par les instituts BVA et Gallup International Association auprès de plus de 64 000 personnes dans 53 pays et publiés la veille dans « Le Parisien – Aujourd’hui en France ». Il apparait que les Français détiennent la palme du pessimisme. Au classement des plus optimistes, les Vietnamiens arrivent juste avant les Nigérians, les Ghanéens, les Chinois, les Brésiliens et les Bengalis. Dans la catégorie des plus pessimistes, juste derrière les Français arrivent les Islandais, les Britanniques, les Roumains, les Serbes, les Lituaniens et les Kosovars, tous des peuples européens.
Le Parisien a interrogé un expert indien, Gurdaran Das. « Parfois, dit-il, j’imagine un peu la France comme un gros chat rassasié, confortablement assoupi auprès du feu… Il faut avoir un peu faim pour savourer le bonheur. » M. Das a une autre explication, plus valorisante : « Relisez André Gide, Malraux, Flaubert… Nulle part ailleurs, vous ne trouverez cette clairvoyance et cette lucidité profondes sur soi-même ! Peut-être que votre pays se montre plus pessimiste que les autres tout simplement parce que l’esprit français est plus rapide à traduire en mots et en pensées tous les dysfonctionnements de la planète. » Pessimiste et lucide, voilà bien le génie français. On pourrait ajouter la déception des français à l’égard de sa classe politique, en particulier la fraction de celle-ci qui exerce actuellement le pouvoir.
… Rêves dorés au Nigéria
Mais faisons un tour du côté des peuples optimistes. The Guardian du 5 janvier reproduit un article de Bim Adewunmi, une binationale nigériane et britannique, intitulé « le Nigéria, l’endroit le plus heureux de la terre ».
« Le hall des arrivées à l’aéroport international Murtala Mohammed de Lagos a cette sorte d’humidité qui fait se sentir comme une serviette chaude. A l’instant où vous défaites de cette impression, un panneau massif vous accueille fièrement au Nigéria. Sous le mot de bienvenue, écrit dans une écriture cursive chaleureuse, on lit le slogan : « l’endroit le plus heureux du monde ! »
La dernière fois que j’ai visité le Nigéria, ce slogan m’a faite éclater de rire. Mais maintenant une étude mondiale l’a confirmé : dans un sondage Gallup, les Nigérians recevaient la note 70 pour l’optimisme. Par contraste, les Britanniques obtenaient une note profondément pessimiste, -44. Pourquoi la Grande Bretagne est-elle si maussade ? Et qu’est-ce qui peut bien rendre les Nigérians heureux ?
Au premier regard, c’est difficile à voir. Le Nigéria est vu comme un endroit où la corruption prospère (…) La violence sectaire n’arrête pas de grimper, tout récemment avec des bombes la veille de Noël dans la ville de Jos, au nord. Et les Nigérians ne sont pas non plus étrangers à la guerre civile et aux troubles, les plus terribles ayant été la guerre du Biafra, pendant trois ans. Et puis il y a la pauvreté écrasante. Et pour couronner le tout, les escrocs passibles du « 419 » (article du code pénal nigérian) – tous ces « princes » qui cherchent à placer leur millions dans des comptes dans vos banques – qui sont devenus, d’une manière embarrassante, l’une des plus fameuses exportations du Nigéria.
Mais si l’on fait l’effort de mieux regarder, l’optimisme semble moins déplacé. Le Nigéria est la troisième plus grande économie d’Afrique – et cette économie ne cesse de croître. On répète souvent qu’un Africain sur 20 est Nigérian. Les Nations Unies estiment la population à 154.729.000 habitants, ce qui est étonnant pour une nation dont la taille est environ deux fois celle de la Californie.
Le Nigéria a toujours combattu au dessus de son poids dans le domaine artistique aussi, depuis la musique de Fela Kuti et Tony Alen aux travaux littéraires de Chinua Achebe, Cyprian Ekwensi et Ola Rotimi, de même que le Prix Nobel Wole Soyinka. L’art Yok, Yoruba et Bénin est mondialement célébré pour sa complexité et sa beauté. Et il y a le pétrole brut, qui fait du pays le douzième producteur mondial (…)
La vie quotidienne n’est guère une séquence de bal en technicolor, mais je n’ai jamais vécu dans un endroit aussi joyeux – et j’ai une fois vécu dans la patrie hippie, la Californie. Je ne peux donner une réponse définitive, mais je crois que la joie vient du fait de voir et de passer à travers du pire de ce que la vie peut offrir ; c’est un optimisme né de l’espoir(…) Il y a un esprit d’entrepreneurs – les gens s’étonnent si l’on admet un manque d’ambition. Les Nigérians veulent bouger, et croient, à tort ou à raison, qu’ils le peuvent. Cette ambition et ce programme nourrissent leur optimisme ; ils travaillent pour le bonheur, donc ils sont heureux(…)
Mon père cite souvent un proverbe Yaruba : « Jimoh to ma l’oyin, Alamisi le yan ma ti mo. ». En gros, il se traduit « si le vendredi va être doux, vous le saurez le jeudi ». Il peut sembler que les Nigérians n’ont pas beaucoup de raison d’être heureux, mais peut-être ont-ils déjà vu ce que vendredi leur promet, et ce qu’ils voient les réjouit. »
Photo « The Guardian » : Supporters à l’intronisation du président Umaru Musa Yar’Adua en 2007