France 5 a récemment diffusé un intéressant reportage d’Imen Ghouali sur le port du bracelet électronique : « enfermés dehors ».
Le reportage s’ouvre sur la levée d’écrou de Jérôme Kerviel, le trader de la Société Générale qui avait bénéficié d’une mise sous bracelet électronique après quelques mois sous les barreaux.
Rappelons que le bracelet électronique est un dispositif qui s’attache à la cheville d’une personne sous main de justice. Le modèle le plus courant est relié à un boîtier qui contrôle la présence à son domicile de la personne aux horaires imposés par le juge ; en cas d’absence, une alerte est envoyée à un centre de surveillance, qui appelle la personne et lui demande de se justifier. Un autre modèle de bracelet comporte un GPS qui permet de localiser la personne en permanence où qu’elle se trouve. Environ 11.000 personnes sous main de justice vivent sous le régime du bracelet électronique.
Le documentaire d’Imen Ghouali rappelle les avantages du bracelet électronique sur l’incarcération. Jérôme Kerviel a pu, pendant qu’il effectuait sa peine, travailler comme consultant en informatique. Un moniteur de boxe anglaise peut exercer son métier et gagner sa vie ; le soir, il retrouve sa femme et leur petit garçon. On connait les risques des « sorties sèches de prison » : sans argent, sans travail, doté seulement du réseau de relations tissé en prison, l’ex-détenu est facilement aspiré de nouveau vers la délinquance. Le bracelet électronique facilite la réinsertion et réduit le risque de récidive.
Le bracelet présente aussi un avantage économique. La prison coûte cher, environ 100€ par jour et par détenu. Lorsque celui-ci retourne chez lui, les frais de la vie courante sont à sa charge et la surveillance, électronique, coûte moins cher que la présence physique de personnel 24h sur 24 et 7j sur 7. Le reportage montre les deux opérateurs du centre de surveillance électronique d’Angoulême, qui à eux seuls contrôlent 2.000 personnes équipées d’un bracelet. Au total, le coût d’une personne sous surveillance électronique est de l’ordre du tiers de celui d’une personne incarcérée.
Face à ces avantages, le reportage met en évidence la souffrance imposée par l’imposition du bracelet : le syndrome du boulet et du fil à la patte, la honte ressentie lorsqu’il est remarqué par un tiers, le stress des heures à respecter, l’incompatibilité des horaires rigides avec une vie de famille fluide.
Le titre du reportage, « enfermés dehors », insiste sur l’effet sociologique du bracelet. La prison, l’enfermement, le contrôle social pénètrent au cœur même de l’intimité familiale. Que la souffrance infligée au prisonnier soit aussi une souffrance subie par sa famille, on le voit en prison le temps d’un parloir. Dans le cas de la personne sous bracelet électronique, c’est toute la journée que ses proches participent à l’enfermement. Certains n’y résistent pas et vont jusqu’à demander leur réincarcération. Il y a consensus sur le fait que le placement sous bracelet électronique ne devrait pas dépasser quelques mois, un an au maximum.
Michel Foucault pensait que l’emprisonnement constituait une manière pour la société d’accroître son contrôle sur les individus déviants. Avec « l’emprisonnement à domicile », ce contrôle est rendu visible sous la forme d’une prothèse électronique. Certains n’hésitent pas à évoquer « Big Brother ».