France 2 a récemment diffusé un téléfilm d’Edwin Baily, « le silence des églises » (2012) sur le thème des prêtres pédophiles.
Âgé de 27 ans, Gabriel Goffin (Robinson Stévenin) est un homme détruit. Rien ne marche dans sa vie, ni son couple (défunt), ni le travail (sans emploi), ni la relation avec son petit garçon (gênée). Il sent confusément que ce qui lui pourrit la vie, c’est ce qui s’est passé il y a 15 ans au collège Saint Pancrace, dont le Père André Vincey (Robin Renucci) était, et reste le directeur, et dont il était élève.
Gabriel achète une arme et loue une chambre d’hôtel à proximité du collège. Il se remémore ce qui s’est passé lorsqu’il avait 12 ans. Comment, petit garçon, il avait été admis à St Pancrace après avoir été renvoyé de plusieurs établissements, parce qu’il avait une voix d’or. Comment sa mère avait été éperdue de reconnaissance et de confiance à l’égard du Père Vincey. Comment un condisciple, ancien soliste de la chorale, s’était jeté sous les roues d’une voiture.
Comment lui, Gabriel, avait été choisi comme soliste. Comment le Père Vincey lui avait proposé de devenir « son ami » et de sceller avec lui un pacte de silence. Comment avaient commencé les attouchements et les pénétrations. Comment Gabriel avait ressenti du plaisir, du dégoût, de la culpabilité. Comment, parce qu’il n’avait pas osé parlé, la professeure de dessin, qui avait eu l’intuition de la situation, avait été renvoyée.
Comment, rongé par l’angoisse, le remords, l’autodénigrement, il avait gardé sur lui ce poids, et comment ce silence l’avait rendu étranger à lui-même.
Le titre du film, « le silence des églises », suggère que le thème principal du film serait l’attitude de l’évêque, qui couvre de silence les agissements de ses brebis galeuses, parce qu’elles font néanmoins partie du troupeau, parce que Dieu accorde son pardon et pour protéger l’honneur de l’Église. L’omerta ecclésiastique est le thème de « Spotlight » et se trouve aussi dans l’attitude de la mère supérieure des « Innocentes ».
En réalité, le film d’Edwin Baily cherche plutôt à explorer la mécanique mentale du pédophile. Vincey tombe véritablement amoureux du soliste de sa chorale, dont la voix et le corps le fascinent. Il ne peut vivre sans lui, et tisse autour de lui une toile d’araignée qui le maintient prisonnier, allant jusqu’à proposer à la mère de Gabriel de vivre dans la même maison que lui. Et lorsque le sentiment amoureux disparait, l’amant est bon à jeter.
« Nous vivions presque une vie de couple », raconte Gabriel à propos de sa relation avec « André ». À cette différence près que l’un était majeur et dans une relation de pouvoir à l’égard d’un môme de 12 ans. Lorsque Gabriel porte plainte contre le prêtre et l’évêque qui l’a couvert, lorsqu’il raconte à sa mère l’enfer qu’il a subi, alors sa rédemption peut commencer.
L’interprétation du personnage du Père André Vincey par Robin Renucci est remarquable de sensibilité. Elle parvient à faire sentir l’ambigüité du personnage, séducteur, pédagogue, passionné du musique et désireux de faire partager sa passion aux jeunes ; mais aussi rusé, déterminé à tout pour conquérir ses proies, dénué de la moindre parcelle d’empathie pour ses victimes. Un monstre à visage humain.