Visiter des prisonniers constitue une véritable expérience spirituelle, un voyage immobile qui porte le visiteur dans des territoires inouïs.
Un psychologue, qui accompagne un « groupe de parole » de visiteurs, explique que l’écoute gratuite qu’offre le visiteur de prison aux détenus constitue un service de grande valeur. Dans le bureau du juge, du psychiatre, du médecin ou du conseiller d’insertion et de probation, la personne détenue sait que, de la confrontation, de la consultation ou de la rencontre un résultat est attendu : la vérification de faits qui l’incriminent, le diagnostic d’une maladie, la perspective d’un aménagement de peine ou d’un emploi à la sortie.
Le visiteur n’est pas là pour juger : les magistrats s’en chargent. Si un détenu se contredit d’une semaine sur l’autre, s’il s’enferme dans le déni, s’il s’invente un passé glorieux, cela ne trouble pas le visiteur. Il est là pour ouvrir, entre les murs et malgré les murs, un espace de libre parole, convaincu qu’il est que seuls les mots peuvent vraiment soigner les maux. Il cherche à ce que la personne visitée retrouve, avec le langage, l’estime de soi et le respect des autres.
Une visiteuse raconte son désarroi lorsque, rencontrant pour la première fois un jeune détenu âgé de 18 ans, elle ne comprit rien de ce qu’il lui disait : il parlait en verlan. Elle eut l’idée de demander au jeune de lui enseigner le verlan. Voici la visiteuse à l’école d’un improbable professeur. Invention de la pédagogie.
Elle raconte aussi qu’un jour de pluie, elle rendit visite à un détenu. Ayant fait le chemin de chez elle à bicyclette, elle arriva trempée. « Je ne pensais pas qu’une bourge comme vous puisse se déplacer à bicyclette », dit ce dernier. La semaine suivante, il confia à la visiteuse qu’il avait mal dormi la nuit suivant cet entretien. « Je me suis fait du souci pour vous ». Naissance de l’empathie.
Un visiteur amène avec lui le journal régional et commente avec un détenu la page d’horoscope. « Amour, vous avez envie de nouvelles expériences, mais vous ne sortez pas assez ». Humour entre les murs.
(Photo de une : statue de N-D des prisonniers à Metz)